mercredi 24 décembre 2008

Film : Transformers - Michael Bay

Je vais encore passer pour l'adolescent de service avec mes goûts infantiles et mon penchant pour les blockbusters pop-corn. J'avoue, sans l'ombre d'aucune gêne, apprécier ce type de cinéma lorsqu'il est réalisé avec talent. Ce qui, bien évidemment, est le cas de Transformers que je viens de revoir avec un plaisir non simulé. Ce qui suit est donc interdit aux lecteurs réunis de Télérama, du Nouvel Obs, des Inrockuptibles et des Cahiers du Cinéma...

Allez, c'est parti pour le pitch.

Une guerre sans merci oppose depuis des temps immémoriaux deux races de robots extraterrestres : les Autobots et les cruels Decepticons. Son enjeu : la maîtrise de l'univers...
Dans les premières années du 21ème siècle, le conflit s'étend à la Terre, et le jeune Sam Witwicky devient, à son insu, l'ultime espoir de l'humanité. Semblable à des milliers d'adolescents, Sam n'a connu que les soucis de son âge : le lycée, les amis, les voitures, les filles...
Entraîné avec sa nouvelle copine, Mikaela, au cœur d'un mortel affrontement, il ne tardera pas à comprendre le sens de la devise de la famille Witwicky : "Sans sacrifice, point de victoire !"

C'est franchement crétin, il n'y a aucun doute là-dessus et sent le marketing réchauffé pour une licence Hasbro tombée en désuétude... mais la réalisation est à ce point maîtrisée dans sa démesure que l'ensemble en devient totalement bluffant et, par moments, franchement épique. On peut éventuellement se sentir soulagé lorsque le film arrive à son terme tant les flux d'images et de décibels sont torrentiels.

Micheal Bay est lui-même un grand ado exalté, il suffit de visionner l'ensemble des bonus (encore supérieurs au film) pour s'en rendre compte. 135 millions de dollars, certes, permettent de jouer confortablement avec les caméras, les cascades et autres FX mais on ne peut nier un réel savoir-faire pour donner vie et âme à ces mécaniques géantes et leur insuffler suffisamment d'énergie pour nous tenir en haleine durant presque deux heures trente.

Du vrai cinéma diront certains, du cinéma au sens propre du terme avec ce que cela comporte de magique et de mouvementé. Du cinéma populaire, n'en déplaise aux intellos ayant vieillis trop vite, qui procure l'évasion et le plaisir en refusant de placer l'intelligence ou pire, la culture comme système de sélection et d'élitisme. Je ne pourrai que toujours défendre ce cinéma futile et superficiel voire épicurien et hédoniste. C'était sa vocation première, amuser et étonner les foules... quand ils observent la production cannoise aujourd'hui, les deux frères lyonnais doivent se retourner dans leur tombeau.

lundi 22 décembre 2008

Humeur : Delord, Monsignore !

Le Sieur Delord est encore jeune, du côté des trente-cinquième rugissants. Certains le disent brillant et il possède la classe naturelle des business-prédateurs. Il ne jouit pas encore du titre de Calife mais il crapahute l'animal, il en veut et il l'aura. Il gravit les échelons comme il est monté à la capitale, quittant une entreprise importante bien que ringarde et une province où il fait bon vivre bien qu'étriquée. C'est qu'il a soif de hauteurs et d'espace le bel oiseau. Il a le regard perçant du rapace... verrouillage de cible et piqué fulgurant. Il semble déjà évident que la simple Direction Nationale ne suffira pas à combler son plan de carrière. Décollage programmé vers l'Objectif International qui, dans le cas présent, se situe en Suisse et ensuite, qui sait, pourquoi pas l'Univers voire au-delà...

Il en va de l'arrivisme comme de n'importe quel alcaloïde basique, dépendance liée à l'insatiabilité mais aussi irritabilité teintée de paranoïa. Arrogant et pressé, il estime que tout ce qui est sous lui est corvéable et dérisoire et que ce qui est au dessus le sera sous peu. Son management est terroriste. Divisant et menaçant, parfois hystérique, il a détruit l'esprit "corporate" et fédérateur tout en prétendant le renforcer, aidé en cela par un contexte économique qui favorise, sinon l'attachement aux valeurs, du moins le mutisme des employés circonspects. Absolument personne, dans cette entreprise "modèle", ne sait ce que demain sera, chacun ayant le pénible sentiment d'être assis quotidiennement sur un siège éjectable. Les plus audacieux et surtout les plus chanceux ont déjà quitté les lieux pour d'autres horizons moins stressants.

Il règne dans cette entreprise de voyages, censée vendre du rêve, une ambiance glaciale où la délation est une règle et l'initiative un péché, malgré les beaux discours sur l'implication, la motivation, l'esprit de décision, poil au fion...

Intimement convaincu qu'il faut être craint pour être respecté et qu'il est nécessaire de diviser pour régner, il aime brosser ses brebis soumises dans le sens du poil mais ce qu'il préfère, c'est leur gesticulation affolée dès les ordres émis, surtout quand les délais d'exécution sont réduits à néant. Sans doute considère-t-il qu'en de-ça d'un certain niveau, la vie doit être un enfer, une punition supplémentaire pour toute cette masse laborieuse et dépendante qu'il surplombe. Ce management d'un autre âge ne peut être que l'aveu d'un profond manque de confiance en soi, résultant d'un ensemble de frustrations sévères. Brillant mais un poil névrotique le lascar et, au bout du compte, parfaitement imbuvable. Il fait trembler les étages et l'on s'esquive ou l'on s'aplatit sur son passage selon l'ambition de chacun. Si j'étais son supérieur hiérarchique je me prescrirais des antidépresseurs tout en ajustant mon casque lourd. Bref, il commence à se faire une sale réputation dans le milieu et je ne suis pas fâché que ma collaboration avec ses services prenne fin, enfin. J'adore mon métier et jamais il n'avait été une corvée jusqu'à ce que ma route croise celle de cet agité antipathique.

Au-delà de cette affligeante aventure personnelle, qui n'est rien en regard de ce qu'endurent les salariés piégés de cette entreprise, je me posais moult questions sur les différentes formes de management en 2008. Qu'en est-il des managements basés sur "les opérationnels", "les experts", "les réseaux", "l'organisation" ou encore "les ressources". Ne demeure-t-il pas aujourd'hui uniquement celui des "actionnaires" ? Où sont parties se terrer Lutte-des-Classes et Énergie-Contestataire ? À l'heure où tout semble s'effriter et où chacun s'accroche à son maigre emploi avec l'énergie du désespoir, qu'en est-il de la déontologie patronale (j'ai dit un gros mot ?) et de l'adhésion salariale aux valeurs de l'entreprise ? Quelles pensées circulent dans les méandres alambiqués des cervelles endormies de ces travailleurs qui se lèvent tôt pour s'entasser dans les RER et les métros pour être déposés chaque jour devant leur pointeuse implacable ? Craignent-ils pour leur proche avenir, ont-ils de plus en plus le sentiment de demander l'aumône, se sentent-ils exponentiellement fragilisés au centre du face à face déséquilibré Décideurs-Syndicats (pour ceux qui ont la maigre chance d'être équipé d'un syndicat en état de marche) ? Quelles pensées habitent les Grands Patrons en cette fin d'année 2008, quels leviers sont actionnés et quels prétextes sont avoués pour dégraisser d'un côté et engraisser de l'autre. Même si quelques nuages obscurcissent momentanément le ciel, il fait toujours beau à Grand Capital Land, les habitants y sont beaux, bronzés et souriants tandis qu'en bas des remparts, l'armée des gueux se regroupe, enflant chaque jour d'avantage…

Franchement, je ne vois pas d'autre issue que de prendre le château pour abattre ce nouvel ordre inique et redistribuer une partie des récoltes spoliées.

lundi 24 novembre 2008

Film : Babylon A.D. - Mathieu Kassovitz

Film très attendu, aux multiples péripéties, dont le tournage est déjà, à lui seul, une sombre épopée : budget explosé, disputes, contretemps catastrophiques, chute du film aux mains de la compagnie d'assurance chargée de veiller à son bon déroulement...

Adapté du roman "Babylon Babies" de Maurice Dantec, le film nous propulse dans un futur proche, ravagé par la guerre, en proie à l'anarchie et aux intégrismes de tous acabits. Le mercenaire Hugo Cornelius Toorop (Vin Diesel) est chargé d'escorter, de son couvent sibérien jusqu'à New York, une jeune et mystérieuse jeune fille, Marie (Mélanie Thierry) escortée par sa Mère Supérieure (Michelle Yeoh). On envisage déjà, au bout de cinq minutes d'images de cet univers retourné en partie à la barbarie, que l'odyssée sera périlleuse. Bref il faudra tous les talents réunis d'un Vin Diesel en pleine forme pour arriver à bon port. Et encore, c'est là que les ennuis commenceront réellement pour eux...

Un curieux mélange entre "Le fils de l'Homme" dont il n'atteint quand même pas le niveau et "Le cinquième Élément", en moins niais.

Étant client de ce type de produit, j'étais inquiet, a priori et j'ai finalement adoré ce délire visuel d'une heure quarante, presque trop court. La voix gravement nonchalante de Vin Diesel est incroyable, son faciès de poète et ses bras tatoués fonctionnent parfaitement dans ce rôle du protecteur/tueur sans état d'âme. Mélanie Thierry est magnifique de fragilité. Michelle Yaoh demeure toujours aussi sobre et efficace. Nous croiserons Depardieu en maffieux russe difforme, Charlotte Rampling en Gourou High-tech ou encore Lambert Wilson en père paralytique.

Tons bleus, sombres et glacials de rigueur, décors chaotiques, industriels, métalliques ou désertiques (Alaska), B.O. musclée, trouvailles visuelles en pagaille, action non-stop sans aucun temps mort... Bref, du cinéma efficace, tonique, divertissant et plutôt intelligent.

Kassovitz sait y faire et s'est visiblement amusé avec ses caméras et sa post-production.

Film : Ben X - Nic Balthazar

"L'important... c'est le courage"

Ben, ("je suis" en flamand), est un adolescent atteint du syndrome d'Asperger, un autisme dit de "haut niveau" qui lui a permis de développer une expertise hors-norme dans un domaine très particulier, l'informatique et le jeu vidéo Archlord (à l'instar de Lisbeth Salander l'héroïne hackeuse de la trilogie Millenium). Complètement asocial mais brillant intellectuellement, il suit une scolarité pourtant normale sinon qu'il est l'objet d'un harcèlement moral quotidien de la part de deux élèves de sa classe. Autant il est un champion sans égal dans son monde virtuel autant il est totalement inadapté au monde réel avec lequel il ne communique pratiquement pas du tout. Le monde est ainsi divisé en deux pour Ben. D'un côté, le cocon de sa chambre, sa quête chevaleresque et son amour pour Scarlite la guerrière et compagne de jeu et puis, le reste du monde, l'agression sonore urbaine et verbale des autres lycéens et humains en général. Ce harcèlement va devenir bientôt physique jusqu'à atteindre l'insupportable, parents et institutions étant incapables d'agir pour le protéger. Alors qu'il décide d'en finir définitivement avec son douloureux quotidien, la mystérieuse Scarlite entre dans sa vraie vie...

On peut imaginer ce qu'une production américaine aurait fait d'un tel sujet. Le héros, lassé des brimades, recouvre enfin le courage et la force légendaires de son avatar et met une méchante trempe aux collègues qui lui pourrissent la vie. Nic Balthazar choisit d'attaquer le problème complètement différemment et surtout, plus finement. Nous suivons le cheminement de Ben, constamment perdu entre le virtuel et le réel. Balthazar transforme continuellement la réalité perçu par l'adolescent à travers le prisme de ses habitudes virtuelles. La ville devient un écran de jeu, ses agresseurs de vilains trolls qu'il imagine fendre en deux de son sabre sanglant... Le parallèle étant renforcé par une B.O. de musique électronique, dédiée à ce type de jeux, comme Sigur Ros, Eus ou Praga Khan. Une réussite visuelle tenant aussi au fait que les parties "jouées" sont issus directement des graphismes du jeu existant Codesmarsters Archlords, jeux en réseau massivement multijoueurs (ou MMORPG), que l'auteur semble avoir particulièrement étudié dans ses moindres recoins. Le "X" de Ben X signifiant d'ailleurs la mort, le Game Over d'un personnage. Quant à la parabole finale, elle est magnifique...

Nic Balthazar, ancien critique de cinéma et de théâtre flamand s'est inspiré d'un fait réel : le suicide d'un jeune autiste harcelé à mort par des camarades de classe. Fortement ému par la détresse de la mère de la victime, il écrira un roman "Il ne disait rien du tout" puis un court-métrage où l'on retrouve déjà une partie du casting de Ben X, le long-métrage étant la dernière étape de l'histoire. Nous sommes ici au-delà d'un simple film passionnant. Après sa sortie en Belgique (et son succès fracassant), le film est littéralement devenu un objet d'étude pédagogique, projeté et analysé en classe. En France, même s'il ne rentre pas directement dans le cadre des programmes de l'Éducation Nationale, l'ambition et le foisonnement des thèmes abordés : l'autisme et la différence, le mal-être et le suicide des ados, l'importante des images et des nouvelles technologies, ont fait l'objet de différents dossiers d'accompagnements pédagogiques.

Un film brillant à tous les étages et incommodant parfois, au niveau du montage et de la bande-son, car vu à travers les yeux de son héros angoissé.
Un univers déroutant, insolite comme celui de Darren Aronofsky ("Pi" ou "Requiem for a Dream").
Une œuvre magnétique et bouleversante, à voir absolument (en Flamand, bien sûr).

"La fin d'une chose est le commencement d'une autre"

mercredi 19 novembre 2008

Film : Appleseed - Shinji Aramaki

"Appleseed" (2005) et "Appleseed Ex Machina" (2007)

D'une pierre deux coups pour vous dire tout le bien que je pense de ces deux merveilles. Il y a, bien sûr, un préalable, il faut en apprécier le genre. Avant tout, quelques mots-clés pour baliser le sujet au cas où l’affiche ne serait pas assez parlante : animation, japonais, science-fiction, action. Bien, voilà qui est fait. Je ne m'adresse donc qu'à ceux qui goûtent déjà ce type de production et à ceux qui ne sont pas contre a priori et aiment les belles choses bien faites.

J'irai droit au but. Techniquement, c'est ce que j'ai vu de plus abouti en terme d'animation 2D et 3D conjuguées. C'est absolument époustouflant de fluidité et d'action. Plastiquement sublime, sensuellement troublant, ces deux récits d'anticipation philosophiques démontrent, une fois de plus, que l'animation demeure le meilleur moyen pour concevoir des mondes utopiques, irréels et poétiques aux confins des imaginations les plus débridées.
La beauté du graphisme, la magnificence des décors, la nervosité du montage, la pertinence du son, le souci des détails en deuxième, troisième et derniers plans, contribuent à rendre "vraisemblables" les récits. John Woo s'est associé à Shinji Aramaki pour produire le second opus et la scène d'ouverture de la cathédrale est à couper le souffle.

Les thèmes soulevés par Appleseed renvoient à la place de l'humanité ici bas, sa légitimité, ses limites et sa tolérance face à tout le reste, à tout ce qui n'est pas elle et particulièrement les bioroïdes, êtres nouveaux et parfaits, créés pour l'aider et la remplacer, un jour qui sait mais dont l'existence même est en jeu... Sujet bateau de rédaction pour lycéen boutonneux diront certains. Et pourquoi ne pas remettre continuellement sur la table des sujets qui n'ont toujours pas trouvé de réponse et de façon ludique qui plus est ? Une spécialité des Japonais d'ailleurs, pour qui l'animation est un art majeur, propre à la méditation.

Nous sommes loin des productions Disney ou même Pixar. Ce n'est pas non plus par hasard, qu'après Pixar justement, Disney se soit associé aux productions des studios Ghibli de Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro, Le château dans le ciel, Princesse Mononoke,...). S'y révèlent des mondes et des problématiques insoupçonnés pour nos esprits occidentaux, des voyages initiatiques parfois, souvent troublant qui méritent en tout cas quelque détour... Il faut oublier les productions japonaises vues dans nos petits écrans occidentaux et qui sont, pour la plupart, relativement médiocres. L'animation japonaise est aujourd'hui à la pointe. En témoignent les "animatiques", ces petits films de transition entre deux niveaux de certains jeux sur nos consoles préférées, entièrement réalisés en images de synthèse. Les plus mémorables furent ceux de la saga Final Fantasy, dont deux longs métrages ont depuis, vus le jour.

Les deux Appleseed font désormais partie de ces monuments de l'animation qui, sans atteindre la poésie et la beauté d'un Chihiro, contribuent à faire avancer le cinéma et une certaine réflexion existentielle. Ce sont aussi deux formidables films d'action survitaminés.

Également, dans le genre bien fait et pas trop idiot, "Vexille", vu récemment.

mardi 18 novembre 2008

Film : Shoot'Em Up - Michael Davis

Bon, comment dire... ça ne ressemble à rien de connu ou plutôt si, ça ressemble à pleins de trucs mais en pire, en énorme, en excessif et en jouissif...

M. Smith (Clive Owen) n'aurait jamais dû se trouver là et pourtant, il aide un enfant à naître, en pleine fusillade, et le sauve d'une bande de tueurs sans pitié. Lui, sombre, solitaire et violent, se retrouve à protéger un nouveau-né, cible d'une puissance mystérieuse décidée à effacer toute trace de son existence grâce au redoutable M. Hertz (Paul Giamatti) et à son armée d'assassins.

Smith trouvera un peu de chaleur maternelle pour le bébé, et de réconfort personnel, auprès de DQ (Monica Bellucci), une prostituée au grand cœur. Le couple tentera de percer le secret de l'enfant en passant entre les milliers de balles qui fusent...

La cavale folle et déjantée d'un homme seul contre plusieurs centaines de tueurs lancés à ses trousses, qu'il liquide par paquets de cinquante... c'est franchement n'importe quoi mais tellement bien orchestré et drôle que ça en devient sublime... Du cinéma hyperactif shooté à l'EPO.

Un talent évident et des trouvailles de mise en scène par dizaines pour cet ovni insensé et un plaisir de faire réellement communicatif.

Si vous n'avez pas assez d'argent pour l'acheter, volez-le, vite !

Film : L'Illusionniste - Neil Burger

Voici un film épatant (expression de la seconde moitié du XXe siècle), vu récemment, que je vous recommande sans aucune hésitation.

Amour, suspens et magie sont au programme de ce film brillant, élégant et convainquant.

Vienne, dans les années 1900. Le grand et mystérieux illusionniste, Eisenheim (Edward Norton, beau et magnifique), s'y produit et ne tarde pas à devenir l'homme le plus célèbre de la ville, enveloppé d'une aura quasi surnaturelle et mettant en scène une magie proprement incroyable... Mais la gloire d'Eisenheim est intolérable à Leopold le Prince héritier (Rufus Sewell, toujours aussi saisissant), dont la popularité décroît à mesure que grandit celle du magicien. Rationaliste convaincu, avide de pouvoir, Leopold a une raison supplémentaire de jalouser Eisenheim : ce dernier fut le grand amour de jeunesse de sa fiancée, la belle Sophie von Teschen (troublante Jessica Biel), qui nourrit encore pour lui de tendres sentiments.
Décidé à détruire ce rival, Leopold charge son homme de confiance, l'inspecteur Uhl, (l'énorme Paul Giamatti dans ses œuvres) d'enquêter sur l'illusionniste et de dévoiler ses impostures. Une partie serrée s'engage alors entre les deux hommes habités cependant par un respect mutuel...

C'est du beau cinéma : décors, costumes, photo, acteurs...
C'est du cinéma malin : scénario, mise en scène, suspense et rebondissements...
C'est du cinéma palpitant : amour, jalousie et vengeance...

Certes, un charme désuet mais tellement efficace et somptueux.
Sans aucune hésitation, vraiment !

vendredi 14 novembre 2008

Film : Mesrine - Jean-François Richet

(Part 1) L'instinct de mort

Il était attendu l'animal, battage marketing oblige. Jacques Mesrine, sa vie, son œuvre, portées au cinéma. Quel terme choisir ? L'anglicisme "biopic" (contraction de "biographical picture") ou le terme français "biografilm" ? Je ne sais pas ce que vous en pensez, et désolé pour les puristes de la langue, mais "biopic" pète nettement plus.

Donc, le biopic de Mesrine s'affiche depuis déjà trois semaines dans toutes les bonnes salles françaises. Un film de garçons disent certaines filles, un film musclé de toute évidence. Richet n'est pas du genre à faire dans la dentelle ("Assaut sur le central 13" ou encore "Ma 6-T va crack-er") et tant mieux car Mesrine non plus n'a jamais fait dans la dentelle et qui mieux que Vincent Cassel pouvait interpréter ce violent paumé ?

Tout commence en 1960, en Algérie, en pleine séance de torture, où le petit Jacques affiche déjà quelque désinvolture avec la mort qu'il distribue. Retour en France, pavillon de banlieue, famille ringarde, père faiblard, il renoue avec Paul, un pote magouilleur (Gilles Lelouche) homme de main de Guido petit caïd OAS parisien (Depardieu). Argent facile pour cet esprit entreprenant et sans scrupule. Tout s'enchaîne très vite… braquages, flingage, poursuites, mariage, deux enfants, fuite au canada, rebraquage, reflingage, prison, évasion… De l'adrénaline et de l'hémoglobine savamment orchestrées. Avis nuancé cependant pour Cécile de France, qui joue Jeanne Schneider sa troisième femme, en brune, en myope et en shoot-gun, légèrement décalée dans le décor…

Tout cela est en effet filmé avec conviction, l'action primant nettement sur le psychologique. Dommage, Cassel étant complètement habité par le rôle, une introspection plus osée n'aurait pas été de trop (dans la seconde partie ?). Du cinéma hollywoodien disent certains, ce qui n'est pas un gage de qualité mais atteste d'un bon ratio budget/action, ce qui est effectivement le cas.

Un produit bien calibré, donc. Le consommateur en a pour son argent… mais Richet a-t-il réalisé un bon film ? A-t-il opté pour le bon angle d'attaque ? Mesrine était certes un gros futé pour s'être évadé autant de fois, ce qui en a fait un héros en son temps, parallèlement à son statut d'ennemi public numéro un, mais c'était surtout un sale con violent, cruel, raciste et misogyne. Faire interpréter son personnage par Vincent Cassel, dont la cotte est au sommet, radoucit forcément quelque peu le propos et poli son image. Je ne suis pas certain que l'hommage qui lui est fait, malgré tout, à travers ce "biopic" magistralement réalisé, soit bien justifié.

Il donne en tout cas l'envie de voir la suite. Attendons encore quelques jours pour savoir quel sera le verdict du réalisateur.

jeudi 13 novembre 2008

Bouquin : Le fait du Prince - Amelie Nothomb

"Il y a un instant, entre la quinzième et la seizième gorgée de champagne, où tout homme est un aristocrate"

Il n'y a rien à faire, malgré les descentes médiatiques répétées à son encontre, je persiste à lire ses livres, petites pépites de plaisir dégustées une fois par an, rentrée littéraire oblige. Je me suis pratiquement tout envoyé, deux seulement doivent manquer à l'appel. Toujours pas d'indigestion… il faut dire que ses livres dépassent rarement les deux cents pages. C'est aussi cela Nothomb, pas de délayage encombrant.

Bref, j'aime vraiment sa prose et ses dialogues. Certains de ses titres ne sont en fait que des dialogues ("Les Combustibles" ou "Cosmétique de l'Ennemi"). Je la trouve drôle, élégante, raffinée... oserai-je talentueuse ? Sa période auto-dérision-biogaphie japonaise m'a beaucoup amusé, son "Stupeur et Tremblements" était un pur bijou.

Avec son petit dernier "Le fait du Prince", elle renoue une fois de plus avec la fiction insolite et les dialogues prédominants qui forment son empreinte. Baptiste Bordave usurpe l'identité d'un homme richissime venue mourir chez lui par hasard. Sa vie devient alors luxe et volupté dans la confortable villa du disparu auprès de sa magnifique veuve… Ce récit est étrangement soft et énergisant. Un joli conte positivement amoral.

Frais, concis et distingué... aucun doute, c'est du Nothomb !

mercredi 12 novembre 2008

Humeur : Le poulet, le taureau et le vison.

Plusieurs petites discussions récentes m'ont fait sentir à quel point les valeurs et les combats sont volatils.

Aujourd'hui, lorsque l'on veut aborder le problème de la corrida ou celui du marché de la fourrure, il est commun de se voir objecter l'argument fondamental "Tu manges bien du poulet". En d'autres termes "C'est bien joli de combattre le torero ou le fourreur mais commence par devenir végétarien !".

Certes, je ne peux qu'admettre une part de responsabilité évidente dans l'équarrissage planétaire mais tentons de remettre un peu de hiérarchie dans les termes et les arguments. Tuer du poulet, du bœuf ou du poisson pour nourrir l'être humain ne peut être placé sur le même plan que saigner un taureau pour son morbide plaisir ou dépecer un vison pour jouer sa pétasse de luxe. Préciser que le vison est un animal d'élevage, ce qui semble être, pour certains, un moindre mal, renvoie directement au taureau, bestiole nettement plus imposante mais d'élevage également. Le vison mérite-t-il d'avantage le droit à la mort que le taureau ? Dans le cadre des stricts plaisirs frivoles, qu'ils soient vestimentaires ou tauromachiques, non !

Oui, mais la tradition ? Ah, la tradition, leitmotiv récurant du lobby des chasseurs, entre autre, parmi lesquels on retrouve en bonne proportion d'ailleurs, les amateurs de corrida et de fourrure. La tradition pourrait ainsi justifier par exemple que l'on tue des centaines de dauphins chaque année dans les îles Féroé juste pour le "fun", que l'on réduise en poudre les cornes de rhinocéros pour en faire des fortifiants sexuels, que l'on repeigne la banquise en rouge en saignant les bébés phoques, que l'on massacre les palombes dans le ciel des landes en période de nidification, que l'on débusque le renard porteur de rage pour en confectionner des étoles, que l'on excise les petites filles pour interdire le plaisir... (ah non pas ça, c'est pas du jeu… là, ce sont des traditions de sauvages), que l'on enferme des femmes dans des bourquas... (non pas ça, on a dit, c'est pas des bonnes traditions de chez nous !). Bon d'accord, il y aurait donc des bonnes et des mauvaises traditions... bigre, voilà qui change la donne !

Elle a bon dos la tradition. Il n'y a pas si longtemps que cela, chasser sur les terres du seigneur (toutes les terres appartenaient aux seigneurs) était passible au mieux de la bastonnade, au pire de la pendaison. Fort heureusement, une révolution fit le tour du problème pour renverser l'ancienne tradition. Les traditions seraient donc faites pour ne pas durer... C'est pourtant fort pratique la tradition, en quelque sorte un dépotoir de méchantes pratiques et de mauvaises pensées, un repère pour les pervers et les peureux du lendemain...

Je ne suis pas un Taliban de la cause animale. Au risque de heurter la sphère végétarienne, le cerveau de l'homme n'a pu réellement se développer qu'en absorbant des protéines musculaires. Le règne animal est divisé, principalement, en herbivores, carnivores et omnivores. Les végétariens ne sont apparus que vers la fin du XXe siècle. Il y a donc une légitimité à se taper un bon steak bleu de temps à autre et le poulet fait parti de mes menus sans que cela ne me pose un problème éthique insurmontable.

Par contre, élever des animaux et les tuer pour le plaisir des yeux me révulse profondément.

Film : Deux jours à tuer - Jean Becker

On aime ou on n'aime pas ce genre de film et ce cinéaste. Personnellement j'accroche plutôt bien à son univers très personnel, à sa narration faite de légèreté et de gravité. Ses films se dégustent comme des friandises. La langue est belle, les images soignées et les acteurs magnifiquement dirigés. C'est encore le cas pour ce dernier.

Un homme, passé la quarantaine, directeur d'une agence de Pub, est marié à une très belle femme. Ils ont deux enfants, une belle maison, une grosse voiture... bref, tout l'arsenal de la réussite et du bonheur. Pourtant, ce jour-là, celui de son anniversaire justement, il décide de tout briser. Il vend sa boîte, quitte sa femme et ses enfants, insulte ses amis, se bat même avec l'un d'eux, et prend la route pour aller retrouver un père totalement absent de sa vie depuis trente ans, établi en Irlande.

L'homme blessé est joué par Albert Dupontel. Inutile de rappeler à quel point il est magnifique dans tous ses rôles, même dans les navets qu'il a parfois la faiblesse d'accepter. Il l'est d'autant plus dans ce rôle de type au bout de tout, qui fuit une réalité qu'il ne supporte pas. Pourquoi, alors qu'il possède tout, décide-t-il de tout perdre, avec violence. Impossible d'en dire plus, le film recélant sa part de suspens.

Dupontel est superbement entouré : Pierre Vaneck, Marie-Josée Croze, Francois Marthouret, Claire Nebout, Samuel Labarthe... tout ce beau monde est réunis pour le pire et pour participer en chœur au dézingage entrepris et au drame annoncé.

Becker sait y faire. Un cinéma loin des stéréotypes de l'époque. Uniquement une belle histoire, une belle mise en scène et de beaux acteurs. En quelque sorte une leçon de cinéma sans esbroufe et sans artifice. C'est reposant et ça se mange sans faim.

vendredi 7 novembre 2008

Film : W. - Oliver Stone

"Vous m'avez mal sous-estimé !"

J'avais très envie de voir ce film. Nous étions le mercredi 5 novembre 2008, lendemain de la journée désormais historique dans l'histoire des USA. Le monde entier connaissait enfin les résultats tant attendus de l'élection présidentielle américaine… victoire éclatante d' Obama. Yes !

Bref, j'avais terriblement envie de plonger à pieds joints au cœur de ces huit années terribles pour ce pays, qu'au fond de nous, nous idéalisons et qui nous fascine, malgré ses travers, ses excès et, parfois, son arrogante bêtise.

C'est l'histoire d'un mec, Georges W. Bush, monument d'invraisemblance à l'image de ses milliers de caricatures. Oliver Stone raconte plutôt bien l'accession improbable aux fonctions suprêmes de cet abruti de fils de riche, alcoolique et bouffeur de chips, cossard et irresponsable durant la première moitié du film et de son ascension.

Puis, W., le lendemain d'une mauvaise cuite, est visité par God, arrête de picoler, devient over croyant, propre sur lui et fréquentable pour les potes de son père, les vautours républicains Cheney, Rumsfeld, Rove, Wolfowitz et Cie. Ils voient en lui le ticket gagnant, le sésame nécessaire à leur soif de pouvoir et de dollars. Ils repèrent surtout une matière malléable à souhait qu'ils vont balader, jusqu'au scandale des supposées Armes de Destruction Massive de Saddam Hussein et l'enlisement en Irak. Son père, par contre, Georges H. W. Bush (impérial James Cromwell), aurait préféré booster son autre fils, l'aîné "Jeb" futur gouverneur de Floride, la fierté de la famille, et fait constamment sentir à son petit dernier tout le mépris qu'il a pour lui. Une jeunesse dorée mais difficile, donc, pour W. qui n'aura de cesse, selon une opinion d'ailleurs généralement répandue, de chercher à se valoriser auprès de ce père et terminer un boulot qu'il estime inachevé en Irak dix ans plus tôt, en dessoudant Saddam.

Stone est un bon faiseur d'images. On ne peut nier un réel savoir-faire de mise en scène. Les acteurs sont fabuleux, Josh Brolin en tête qui se fond souvent, de façon troublante avec son modèle, Richard Dreyfus, en Dick Cheney, magnifique de retenue et de machiavélisme, Scott Glenn en Rumsfeld va-t-en-guerre ou bien encore Thandie Newton en superbe et inquiétante Condoleeza Rice… certes ! Mais ce concours de sosies bluffant ne suffit pas à faire un bon film.

Nous n'apprenons rien (si, peut-être me concernant, ces fameuses séances de recueillement et de prière collective après chaque réunion de travail), le rythme s'essouffle au bout d'une heure (le film en compte deux), la magie du transformisme des acteurs n'opérant plus pour masquer l'indigence d'un scénario poussif et convenu (en même temps, je ne m'attendais pas à un thriller politique, l'histoire est derrière nous). La dernière scène de la pathétique conférence de presse est à la fois humiliante et émouvante pour cet homme, qu'il nous rend presque sympathique, mais qui n'avait manifestement rien à faire là. Une certaine forme de tendresse déplacée pour cet ultra-réac, un brin vulgaire et somme toute bas du front, qui a plongé son pays dans un énorme bourbier social et l'a fait haïr par la terre entière.

C'était donc l'histoire d'un mec, d'une simple initiale, un M. renversé pour une haine déversée, incapable de faire quoi que soit de sa vie et qui, pour provoquer et à la fois plaire à un père qui le prend pour une merde, se retrouve à la tête de son pays qu'il mènera à la ruine et au désaveu planétaire. Un arrière-goût shakespearien ou grec antique finalement...

Un destin tragique donc mais surtout un film ennuyeux. Tant de talents et d'énergie gaspillés pour un résultat autant soporifique et mou du genou sont très énervants. Un Good Bye bien trop complaisant. Les deux heures furent interminables et le générique de fin libérateur. C'est pas bon pour un film ça, No ?

jeudi 23 octobre 2008

Film : We feed the world - Erwin Wangenhofer

"Le marché de la faim" : documentaire allemand sur le racket exponentiel des industries agroalimentaires.

Sujet inépuisable, contrairement aux ressources planétaires, où une petite sélection de faits aberrants nous est proposée, avec, cerise sur le gâteau, la vision cynique et caricaturale du président de Nestlé.

Nous étions persuadés que le monde marchait sur la tête ? Pas du tout, en fait. Les règles mises en place obéissent à une loi très simple: l'augmentation toujours plus forte, à court terme, des profits financiers des Grands Groupes qui se sont partagé la planète. Sinon quel sens y aurait-il à jeter à la benne des milliers de tonnes de pain frais chaque année, d'épuiser avec un tel rendement et une telle efficacité les ressources de la mer, de polluer toujours plus en transportant sur des milliers de kilomètres des légumes que l'on pourrait trouver à sa porte, de déboiser la forêt amazonienne pour y planter du soja ?

Pourquoi les États-Unis et l'Europe subventionnent-ils leur agro-industrie et privent ainsi de travail les petits paysans du sud ? Par exemple, les marchés de Dakar regorgent de fruits et légumes venant d’Europe, vendus moins chers que les productions locales, affamant ainsi les paysans du cru qui n'ont d'autre solution que de passer le détroit de Gibraltar, au risque de leur vie, pour aller vivre et travailler comme des esclaves dans les grandes serres d'Almeria, au sud de l'Espagne... dont les produits repartiront vers l'Afrique.

Qui inonde les terres agricoles de semences hybrides (utilisables une seule fois) en vue de productions génétiquement modifiées pour accroître les rendements ? Les Pionneer (numéro un mondial) et autres Monsanto (et non, ce n'est pas lui le numéro un, il y a pire) appauvrissant les sols en rendant dépendants les agriculteurs...

Nous déboisons la forêt amazonienne pour y planter du soja qui servira à nourrir nos poulets européens. Dans le même temps, nous utilisons nos hectares de maïs pour produire de l'électricité en le brûlant. À ce sujet joli petit reportage sur la vie et l'œuvre de nos poulets industriels, de l'incubation des œufs jusqu'à la mise en barquette en passant par la chaîne d'abattage et de découpage. C'est sobre, clinique, hallucinant. Il existe en fait des mecs qui inventent des machines infernales pour découper les poulets en six morceaux, tout en triant les abats, automatiquement. Non, en fait tout n'est pas automatisé... pour mettre le petit élastique jaune qui tient les papattes arrières, là, c'est un cosmonaute qui s'y colle, le bureau d'étude planche encore... pas facile, facile comme challenge robotique...

Autrichien quinquagénaire, argenté et bronzé aux UV, Peter Brabeck, Président de Nestlé, est plutôt fier lorsqu'il se présente : premier groupe alimentaire, 27e entreprise mondiale, 65 milliards de dollars de chiffre d'affaire, 275 000 "collaborateurs" directs et 4,5 millions de personnes "dépendantes"... ce qui justifie tout à ces yeux comme de traiter d'extrémistes ceux qui considèrent que tout homme doit pouvoir avoir accès à l'eau potable en la nationalisant, alors qu'il estime, de son côté, que tout a une valeur marchande, l'eau comme le reste, Nestlé étant le premier distributeur d'eau minérale. Très fort également lorsqu'il affirme que la consommation d’OGM n'a provoqué aucune nouvelle maladie aux USA depuis 15 ans et que l'Europe est hypocrite avec ses combats d'arrière-garde, contre les OGM et en faveur du bio qui n'est pas meilleur, en fait. Il ne dit pas pourquoi mais le bio n'est pas meilleur, c'est comme ça !
Un monsieur très sympathique et pas subjectif pour un sou.

Aujourd'hui la production mondiale peut subvenir aux besoins de douze milliards d'être humains. Meurent de faim, cent mille personnes chaque jour et un enfant de moins de dix ans toutes les cinq secondes. Selon l'O.N.U, fournisseur de chiffres et de rapports en tous genres mais visiblement impuissant, il s'agit bien là d'assassinats, tout simplement.

Le film n'est pas un scoop, il ne condamne pas ouvertement, il étale simplement un peu la merde et nous met face à notre impuissance, pour être sympa et à notre indifférence pour être plus juste.

Commentaire personnel : Nous avons, en fait, un vrai pouvoir que notre conformisme et notre paresse nous masquent. Avons-nous, par exemple, besoin de tomates et de fraises à Noël ? Il existe des solutions accessibles à la plupart, comme par exemple, les AMAP (Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) qui permettent d'acheter directement aux producteurs. Ce principe existe pour toutes les denrées alimentaires, fruits, légumes, laitages, viandes, poissons... Ne pouvons-nous pas préférer les marchés aux grandes surfaces, beaucoup plus contraignants certes mais plus agréable et pas forcément plus onéreux à qualité égale, il s'entend.

Des solutions existent pour tenter de freiner la voracité galopante du lobby agroalimentaire et si ce n'est pas nous qui le faisons, humains responsables des pays riches, qui le fera à notre place ?

mercredi 22 octobre 2008

Humeur : l'origine et le sens des mots

Gauche, droite, capitalisme...

Etranges et suspects que certains doubles sens, pour ne prendre que la DROITE et la GAUCHE par exemple, sans pour autant sauter à pied joint dans la théorie du complot linguistique.

Il semblerait que cette dichotomie remonte à la première assemblée nationale, en août-septembre 1789, où lors d'un vote sur le poids de l'autorité royale face au pouvoir populaire dans la future constitution, les partisans du veto royal (aristocratie et clergé) se regroupèrent à droite du président tandis que les opposants à ce vélo (plutôt le Tiers-État, sous l'étiquette patriote) occupèrent la partie gauche. On parlait alors de côté adroit opposé au côté sinistre comme il était de coutume de placer l'hôte honoré à la droite du "Maître"... L'histoire et la tradition enseignent donc que la place d'honneur, celle du meilleur, est bien à droite, ce qui est du dernier grotesque, nous en conviendrons, lorsque l'on applique cela à toutes choses...

Ce qui est droit est honnête, sincère, sérieux et d'équerre... Bigre !
Ce qui est gauche et, par définition, maladroit, tordu et plus généralement tout le contraire du droit. Aïe !

Le droit écrit la loi qui fonde la société civilisée...
Les gauchers furent réprimandés, interdits, il y a encore peu de temps, sur les bancs de l'école...

De là à induire qu'un côté est meilleur que l'autre, le pas a été franchi depuis belle lurette dondaine et dondon !

Quant au mot CAPITALISME... la racine du mot nous fait sentir à quel point il est vital pour l'espèce humaine et indissociable de notre fondation. On se massacre allègrement depuis des milliers d'années pour posséder toujours plus, au nom d'un fallacieux prétexte tout aussi crétin mais efficace, les religions (encore elles, complices depuis toujours).

Il semblerait donc que le gain soit notre moteur premier et que les commandements et autres aphorismes religieux, dont la pensée est pourtant aux antipodes, ne servit d'alibi qu'aux quelques puissants et de repoussoir à la masse restante. S'affranchir des interdits permettrait donc de pouvoir jouer dans la cour des grands ... et, tandis que recule le principe religieux, s'affiche ouvertement le principe capitaliste et ses valeurs contraires mais sincères. Là ou le religieux cherche à justifier la pauvreté et la misère pour mieux servir ses maîtres, en ne promettant que quelques vagues hypothèses fumeuses, le capitalisme, lui, glorifie la richesse, désigne et promet le vrai pouvoir.

Mais le pouvoir enivre et rend fou, incontestablement. Ce qui se passe (la fièvre est descendue mais la maladie est endémique) montre à quel point ce système est cannibale. Le hic étant que ceux qui se font manger ne sont pas uniquement les invités à la table des festivités. Il est même envisageable que les hôtes d'honneur continuent à ripailler en riant gras et éructant fort... C'est bien à ceux-là qu'il s'agit de couper la tête comme la volaille qu'ils ingurgitent. Quant à renverser la table des festins, pas évident de mettre en place un autre système fonctionnel et plus équitable ni de tirer la chasse sur notre civilisation...

Non, on ne reviendra pas à hier... mais on continuera le combat, demain, après-demain et le jour suivant...

Humeur : Vatican = Berghof

Lu, dans le Siné Hebdo de cette semaine, une des lectures les plus saines du petit monde de la presse actuellement, un article plutôt édifiant de Michel Onfray (eh oui, un certain nombre de personnalités ont rejoint ce journal libre-penseur), concernant le Vatican en général et Benoît XVI en particulier (quel prénom débile pour un pape, vraiment !).

Plutôt que de dévoiler un scoop qui n'en est pas un, il me semblait important de relayer l'information, et faire qu'elle se propage, concernant le passé nazi du Rattzinger romain. Ce cher travesti le fut en brun dans les années 40, recrue convaincue des jeunesses hitlériennes, on l'imagine short en cuir et plume au feutre, avant de passer à la Wehrmacht. Aux premières loges fut-il, donc, pour diffuser une propagande fasciste, raciste, eugéniste et apporter son soutien aux horreurs qui en découlèrent. Il était jeune paraît-il... bien sûr. Tout le monde était nazi à l'époque... et bien non, justement... ah si, l'église l'était, c'est vrai.

Je trouve parfaitement dément de confier les rênes d'un état, d'une église, à une telle merde. Qu'il soit le guide spirituel d'un milliard de cathos sur la planète est proprement effrayant. Comment est-il surnommé par ses fidèles , Saint-Père ? Saint en quel honneur ? Qu'a-t-il fait de sa vie pour mériter cet attribut ? On peut d'ailleurs imaginer que pour accéder à ce poste très convoité, il faille copieusement piétiner du cardinal et manœuvrer dans les arcanes divines. Je passe sur ses désirs de paix et de fraternité entre les hommes, ses conseils de vie modeste et de non-convoitise... là, on dépasse les limites sur l'Echelle De Pronfondis et pour paraphraser J. Starr : le Vatican... une nouvelle marque de vaseline ?

Complètement dessoudé donc ce monde de Dieu et rien d'étonnant de placer un vrai facho historique à la tête du troupeau. Il suffit de se pencher sur le passé de l'Eglise pour comprendre qu'elle ne fait que confirmer une attitude nauséabonde faite de compromis chiasseux avec la pourriture politique et d'interdits honteux et liberticides imposés aux pauvres âmes soumises et masochistes. Avec son dernier leader (comment dit-on en allemand ?), un nouveau niveau vient d'être franchi avec succès, pas de game over en vue.

Benoît pète dans la soie et se pose en modèle d'ascèse... Benoît, une croix latine autour du cou, une croix gammée sur le bras, prône l'amour entre les hommes... Plus c'est énorme mieux ça passe. Franchement, comment fait-il, le milliard, pour continuer à marcher dans toutes ces combines moisies ?

Le vrai mystère de la foi se situe peut-être bien là.

dimanche 19 octobre 2008

Humeur : Retour de manivelle


Dépêche FPP...

Une septième victime vient allonger la liste déjà conséquente de l'opération de nettoyage lancée par le Front de Justice des Travailleurs également connu sous le nom de CAC Zéro.

Pierre Lefranc, président du groupe Sanifo Labotech a été abattu hier soir vers 21h00, d'une balle dans la tête, alors qu'il rendait visite à des amis dans le second arrondissement de Paris. Les trois hommes chargés de sa sécurité ont également péri sans avoir pu réagir. On ignore encore les circonstances exactes du drame et le nombre de terroristes présents lors de cette nouvelle "opération de justice" selon la formule lapidaire de CAC Zéro.

Cette exécution sommaire intervient trois jours après l'annonce d'un plan de restructuration très contesté. En effet, le Groupe Sanifo Labotech venait d'annoncer un plan social concernant deux mille personnes alors que dans le même temps, des bénéfices sans précédents faisaient la une des médias.

Pierre Lefranc se savait menacé, comme tous les patrons du CAC 40, et avait mis en place toutes les mesures nécessaires pour sa sécurité, se refusant à vivre comme un reclus. Mesures nettement insuffisantes de toute évidence., tant les commandos déployés font preuve de détermination.

Même si l'on peut noter, depuis plusieurs mois, un léger ralentissement sur le plan des délocalisations ou des restructurations, les grandes entreprises de notre pays ne veulent céder en rien à la terreur mise en place et certaines ont payé lourdement les résultats d'une gestion jugée outrageusement scandaleuse par l'opinion publique.

CAC Zéro bénéficie en effet d'une côte de popularité à la hausse et entend bien continuer "le ménage" et redonner aux travailleurs de ce pays leur place véritable dans un système jugé corrompu et défaillant.


jeudi 16 octobre 2008

Humeur : Question existentielle

Bon , alors, faut-il chanter ou siffler la Marseillaise ?

Humeur : Petit Suisse deviendra grand...

Artisan graphiste depuis vingt ans, je suis en train de perdre un client important pour les principales raisons que je suis "hors-moule" mais aussi trop petit à ses yeux. Je parle bien sûr de la surface de mon "entreprise". Ne sont remis en cause ni ma taille, ni celle de mon pénis, surtout pas celle de mes oreilles, non plus mes compétences, ni mon efficacité, ni la qualité de mon travail. A peine si mes coûts sont mis en balance tant je pourrais m'aligner commercialement. Non, il s'agit d'autre chose à mon sens et j'ai toujours eu le sentiment de faire un peu tâche dans cet univers aseptisé, équerré, qui se voudrait réglé comme une mécanique horlogère.

Normal, mon client appartient à un groupe Suisse.

Ce dernier entend rationaliser son "process" et établir de nouvelles règles de rigueur et de confiance dans un secteur souffrant d'une image souvent suspecte : le tourisme. A l'instar des garagistes et autres plombiers, l'Agence de Voyages et, à travers elle, le Tour Opérateur , sont mal-aimés. Un peu voleurs, un peu menteurs, il ont su pleinement profiter des belles années passées et certains, malgré l'internet florissant, continuent l'entubage. Louable donc, cette volonté compulsive de récurer la douche et de vider les poubelles.

Le Suisse est ainsi conçu, il aime les trottoirs lustrés.

Mon équipe et moi faisons un peu l'effet d'un commando, investissant la place avec notre matériel et nos propres méthodes, intervenant au cœur de la citadelle et en d'autres points par liaison internet. Nous sommes l'écharde sur le parquet ciré. Je comprend la crainte d'une telle intrusion dans un dispositif que l'on souhaite systématiser et contrôler totalement pour en chasser les travers. Je ne saurai donc lui tenir rigueur de vouloir, sinon javeliser la profession, du moins en rectifier certaines pratiques délétères. Le problème, c'est que le monde n'est pas la Suisse, même si La Finance Internationale en assure la régence depuis longtemps. Les méthodes imposées à l'esprit méditerranéen, dont nous sommes, souffrent souvent du peu d'adhérence à certaines valeurs qu'elles véhiculent et la conduite des affaires s'en trouve alors plus délicate.

A vouloir uniformiser absolument, l'âme se fane. La culture d'un pays ou d'une entreprise déprime, ce que j'ai à loisir, mais avec regret, observé dans celle-ci... avec ce sentiment étrange d'être d'avantage dans une compagnie d'assurance que chez un marchand de rêves.

J'ai d'ailleurs une pensée émue, je l'avoue, pour le fondateur du groupe, résident suisse du siècle avant-dernier, qui doit peut-être se retourner dans son mausolée. Je l'imagine, observant de ses limbes, les fruits aseptisés de son labeur, tandis que sa carriole fleurie continue de promener les touristes joyeux autour du lac Léman, ses chevaux déversant allègrement leur crottin fumant tout au long du circuit.

Au-delà de mon expérience présente, minuscule et ridicule gouttelette dans l'océan du business, la mondiale standardisation dont nous subissons chaque jour les effets gagne du terrain. Pensée unique, consensus mou, standardisation des outils et des méthodes, uniformisation des produits et optimisation actionnariale forment le dernier credo tendance de ce début du XXIe. Le lissage absolu de tout, englue notre quotidien sous un nappage conventionnel et fade. Les différences jadis recherchées pour attirer le chaland, sont aujourd'hui rejetées, les concurrences se réduisant de plus en plus à quelques groupes clonés offrant des produits identiques. Trop s'écarter du sentier, c'est prendre des risques que certains refusent dans le contexte actuel.

Tout cela est totalement compréhensible du point de vue d'un financier mais tellement triste à accepter. Un seul goût, une seule couleur, une seule tête je veux voir...

Sainte Manivelle, je prie pour ton retour !

mercredi 8 octobre 2008

Humeur : Eclectique et vorace

J'entend souvent ce reproche étonnant jusqu'au bizarre : "Tu aimes trop de choses..." ou "Tu es très bon public..." en littérature et cinéma, il s'entend. J'avoue être assez morfale, en effet, pour m'avaler quotidiennement, au minimum, un film auquel viennent s'ajouter entre vingt et cent pages de littérature, selon l'état du bonhomme et de l'horaire.

Et alors ?

Je ne suis pas encore complètement sénile et j'entend bien le reproche induit : "Bonjour l'esprit critique !" ou "Forcément, c'est comme dans toute chose, tu t'avales 90 % de nullités..."

C'est très exagéré mais, admettons.

Goûter le plaisir d'une chose ne signifie pas pour autant que l'on admette la qualité de cette chose… au contraire, bien souvent hélas. Prenons par exemple les plaisirs de la bouche... j'aime la charcuterie, la viande rouge, les crocodiles Haribo, le Nutella, la tête de veau ravigote, les carbonara, la glace coco, pour ne citer que les premiers qui me viennent à l'esprit... tout cela est mauvais pour ce que j'ai, c'est une évidence et pourtant...

De même, j'aime la littérature et le cinéma et, concernant ce dernier, j'avale tout ce qui passe à ma portée ou presque. Mais bien qu'ingurgitant beaucoup, je digère finalement plus ou moins avec bonheur. Ceci dit, un deuxième aveu consistera à dire que je trouve tout de même un intérêt, souvent minime certes, à de nombreuse "œuvres" qu'autour de moi on ne se prive pas de qualifier outrageusement de "Grosse Merde" ou de "Mega Daube". Je dois avoir le respect du travail, quel qu'il soit, même mal fait, car je dissèque toujours le labeur effectué, traquant, bien sûr, les incohérences d'un scénario et les dérapages techniques afin de mettre en évidence "ce qu'il ne faut pas faire" et tenter de comprendre ce qui différencie le bon du mauvais. D'ailleurs, au bout du compte, qu'est-ce qui différencie précisément un chef-d'œuvre véritable d'un infâme navet ? Nous possédons tous des éléments de réponses mais certains remake d'œuvres remarquables parfaitement réalisés sont également parfaitement manqués. Pourquoi ? La réponse demeure parcellaire, bien sûr, d'un point de vue purement technique. Quant aux films excellents n'ayant pas rencontré leur public, ils sont légions...

Oui, j'aime cet abondant flux d'images, je l'absorbe goulûment, m'en délecte avec passion mais contrairement à ce que l'on croit peu de films, en regard du nombre, appartiennent à mon Panthéon du 7eme. Je prend autant de plaisir à voir les films des frères Dardenne, Scott ou Cohen. Je savoure aussi bien le grand spectacle d'un Spielberg ou d'un Bay, l'introspection d'un Allen ou d'un Kitano, l'extravagance d'un Almodovar ou d'un Altman, le comique d'un Chaplin ou d'un Chabat, la tension d'un Hitchcock ou d'un de Palma ou encore la puissance d'un Kubrick ou d'un Coppola. Qu'il soit belge, coréen, anglais, allemand, américain, japonais ou français, le cinéma est une gourmandise variée dont je ne suis pas encore écœuré.

Les appréciations : génial, excellent, mouai, boff et grosse bouse sont évidemment de la responsabilité de chacun et, en ce sens, je n'irai pas traiter de blaireaux les 20 millions de spectateurs qui se sont déplacés pour les Ch'tis. Il y a là une vrai rencontre respectable bien que complètement disproportionnée aux vues des qualités intrinsèques de ce film parfaitement moyen. D'un autre côté, il m'a toujours semblé suspect de laisser à des critiques, dont ce n'est pas le goût, le soin de porter un jugement "objectif" sur des films de "genre". On imagine la critique du dernier Jet Li par Télérama , les Inrock ou les Cahiers du Cinéma. Halte au terrorisme intellectuel !

Chaque type de cinéma porte sa part de promesses et il n'y a pas un cinéma qui serait au-dessus d'un autre. Qu'une hiérarchie s'impose naturellement entre les films et selon les personnes et inévitable mais je ne crois pas que la vision d'un Woody Allen fasse de nous un être délicat et spirituel et qu'à contrario celle d'un Silvester Stalonne nous établisse comme un bourrin moyen. Les pulsions et les passions qui nous animent sont multiples, enfouies pour certaines et j'assume personnellement complètement le fait d'avoir pris mon pied autant avec "Transformers" qu'avec "Rosetta".

Pour conclure sur un peu de maths et de probabilités, plus je verrai de films, plus ma chance de voir des chefs-d'œuvre sera grande.

Plus grands seront ma voracité et mon éclectisme, plus grand sera mon plaisir, tout simplement.

mardi 7 octobre 2008

Bouquin : La Route - Cormac McCarthy

Editions de l'Olivier - Prix Pulitzer 2007

L'auteur du western moderne "No Country for Old Man" (2005) revisite le roman apocalyptique. Etrange, dense et passionnante tragédie que ce bout de chemin fait en compagnie d'un père et de son jeune fils.

Traversant des contrées recouvertes de cendres, croisant quelques ruines et quelques cadavres calcinés, ils semblent être parmi les rares survivants d'une destruction complète de la civilisation. Nous ne connaîtrons jamais les causes de la tragédie. Les où, quand et comment n'ont d'ailleurs aucun intérêt dans cette marche vers le sud. Tout ce que l'on sait c'est qu'ils marchent, poussant laborieusement un caddie, empli de maigres réserves et d'un bric à brac indispensable récupéré au hasard des vestiges croisés. Ils marchent, lentement, au milieu de l'hiver, dans le froid, la pluie et la faim, jours après jours, la peur au ventre. Peur de la mort et des autres, les méchants errants dont ils se cachent. Peur d'eux-même, de ce qu'ils sont devenus, des choix quotidiens à faire, peur de se décevoir mutuellement, de ne pas être à la hauteur. Prédateurs misérables d'un monde dépouillé, ils fouillent les décombres à la recherche de nourriture et de bricoles, parlant peu, se renvoyant continuellement leurs doutes et leurs angoisses profondes.

Le récit est très épuré, voire pudique, les dialogues répétitifs et concis, les paragraphes très courts comme pour marquer un qui-vive permanent, une respiration haletante. Un rétroviseur a même été installé sur le caddie. La peur est continuellement palpable, celle du père pour protéger son petit, celle du jeune fils pour ne pas décevoir son père. Il y a bien sûr l'amour entre les deux mais leur véritable lien est devenue la survie seule, celle qui est le centre de toute chose, celle qui enferme et rend monstrueusement égoïste et paranoïaque au point de rejeter, donc de condamner, certains autres fuyards esseulés et inoffensifs. La folie s'installe sûrement au fil des 245 pages jusqu'à déformer complètement une réalité déjà complètement hallucinante...

Une expérience troublante que la lecture de ce livre, de par son fond mais aussi de par sa forme. Passionnant et troublant.

Film : Vier minuten - Chris Kraus

("4 minutes" pour les intimes)

Le pitch : Emprisonnée pour meurtre, une jeune femme caractérielle est remarquée par une vieille professeur de piano qui décide de la prendre en main et de la faire admettre au concours d'entrée du Conservatoire de musique ...

Ach, le cinéma allemand... Splendide une fois de plus. Il est rare mais bon sang qu'il est bon !

Un sujet dramatique, tendu voire oppressant, l'univers carcéral féminin dans toute sa misère violente et glaciale...
Une photo minimaliste, désaturée, bleutée...
Deux actrices principales ( Monica Bleibtreu et Hannah Herzsprung) magnifiques, habitées, éclatantes dans cette atmosphère livide...
Des seconds rôles de premier plan...
Une bande son éclectique : classique, hard, jazz...
Une mise en scène rythmé, découpée au cordeau...

Que tous ces ingrédients sont magistralement mixés pour offrir une tension bien éloignée des standard habituels mais combien intense.
Pris aux tripes du début à la fin pour un dénouement en apothéose.

Ai-je dit que je vous conseillais ce film magnifique ? C'est fait.

lundi 6 octobre 2008

Humeur : Le retour des idées radicales.

Le capitalisme en crise...
Quelle bonne nouvelle !


Même si les conséquences demeurent obscures, une grande bouffée d'air nouveau souffle sur le monde. Après le communisme honni et ses millions de victimes, la doctrine capitaliste, et ses autres millions de victimes, suffoque et titube. Elle ne serait donc pas La Voie Céleste tant louée par les phalanges libérales mondiales ? Bigre, Sacré scoop !

Quand chancellent ainsi les valeurs fondatrices, ne serait-il pas temps, enfin, d'établir un diagnostic posé, réfléchi, sans accourir, serviles et fébriles, au chevet du grand malade en lui injectant les milliards placebo ? Ces centaines de milliards, ces milliers de milliard à travers le monde, appartenant à tous, aux autres justement, à ceux-là même que ces organismes financiers ont déjà pressurés et affamés. Le vol est double, au minimum, et tout cela est normal car il est Le Système que nous subissons depuis l'invention du pognon.

Banques usurières qui se prennent les pieds dans leur propre tapis, classes moyennes expulsées de leurs propriétés, délocalisations massives et licenciements en chaîne, coût de la vie explosé, paupérisation générale, primes incensées et indécentes versées aux grands patrons, emplois précaires face à un chômage en hausse, faim dans le monde, massacres ethniques, bénéfices exponentiels sur les ventes d'armes et de médicaments, sur l'exploitation pétrolière et le racket agro-alimentaire, montée des intégrismes et du terrorisme déjanté, foutage de gueule politique et médiatique à tous les étages... Nous aimons être humiliés et pris pour des bouses. Nous payons même nos redevances ou nos abonnements pour être aux premières loges...

Je sais, tout cela a été dit mille fois, sempiternel refrain éventé mais sempiternel refrain d'actualité. Qu'y a-t-il de faux voire d'exagéré dans le tableau précédent ? Non, il ne s'agit pas de tout faire péter. Non il ne s'agit pas de foutre en l'air le peu de confort et d'économies que les plus chanceux sur cette planète ont réussi à obtenir. Seulement couper la tête ou les testicules ou les trois, de ceux qui pourrissent l'ambiance, de tous ces sans-morale, ces ordures portant beau et vivant gras tandis qu'en bas, la masse gesticule...

Il existe des limites, l'Histoire en fut témoin plusieurs fois. Aujourd'hui, déjà, la voici qui hoquette avec ce patron indien et exploiteur, massacré par ses employés à bout. Même si l'on peut réprouver ces actes, ils régénèrent un espace de révolte et de fureur légitimes. Il serait temps que la peur de l'avenir change de camps.

vendredi 3 octobre 2008

Film : Redacted - Brian de Palma

Amis cinéphiles, bonjour !

Enfin vu Redacted, hier soir. Effectivement ce n'est pas une comédie (au fait, De Palma a-t-il déjà réalisé une comédie ?) D'ailleurs Joëlle, qui connaissait le sujet, le viol et le massacre commis à Samara, est partie bien avant la fin, avant que les images fatidiques n'apparaissent... En plus, les mouvements nerveux de la caméra (du camescope en fait) la stressaient même si elle avait conscience que c'était voulu.

C'est vrai qu'il y a un lien évident avec "Outrage". Le même sujet pour deux guerres et deux époques différentes, les soldats, eux (certains, pas tous) restant égaux à eux-même, racistes, méprisants, violents, bas du front... percevant toujours leurs ennemis comme autant de sauvages à convertir et de barbares à anéantir (ce qui n'est pas forcément complètement faux, concernant la barbarie, la guerre étant ce qu'elle est...).

Intéressante et maligne cette idée de Palma de prendre un fait similaire et de le replacer dans deux contextes différents, présentés sous des formes différentes avec quarante années d'écart comme pour montrer que la civilisation, celle qui entend gouverner le monde, du moins lui enseigner les vraies valeurs, n'avait pas bougé d'un pouce depuis tout ce temps, s'étant, au contraire, enfoncée dans une arrogance toujours plus aveugle et méprisable en ayant développé parallèlement une faculté toujours plus grande à justifier ses actes les plus ignobles.

Nouvelle époque donc que cette occupation de l'Irak et donc, nouveaux outils de communication, camescope, internet, TV satellite... le tout mixé avec de magnifiques images ocres censées être filmées par une équipe de reporters français. Ce patchwork d'images, dont certaines sont très "amateur" peut déranger voir donner le tournis et mettre franchement mal à l'aise, en tout cas il contribue au malaise ambiant généré par ce conflit en général et l'accident de Samara en particulier.

Personnellement, j'ai été happé par le sujet et son traité. De Palma, et ce n'est plus un scoop, est un virtuose de l'image et de la mise en scène, ça, on ne peut le nier. Même si certains de ses films sont des RDV manqués ("Le Dahlia Noir" plutôt poussif ou "Mission to Mars" un poil grotesque) un De Palma est toujours un événement, je l'avoue (eh oui, j'aime beaucoup De Palma).

Comme Christophe, je conseille la vision de ce superbe faux reportage (âmes sensibles s'abstenir).

Bzzz !