vendredi 3 septembre 2021

Le virilisme ou le bal des bourrins : Humeur

Ils sont forts, ils sont radicaux, ils sont bas du front et ils squattent les réseaux avec une facilité et une réussite insolente, drainant derrière eux des centaines de milliers d’abonnés adeptes de la contestation ultra-droitière et assoiffés de punchlines parfaitement calibrées.

Parmi ces polémistes provocateurs, dont certains s'affichent "humoristes", qu’ils soient royalistes, libertaires ou plus basiquement d’extrême-droite, Papacito, Raptor, Valek, Bruno le Salé, El Rayhan, Code Rheino ou encore Baptiste Marchais, pour ne citer que les plus influents, diffusent leur idéologie radicale sur un ton de comédie bon enfant, enrobant leurs propos moisis d’un parfum doucereux à l’instar de ces désodorisants pour toilettes bon marché qui, cherchant à masquer les pires odeurs, ne font qu’en accentuer la force. Ils se croient pertinents parce qu’ils alignent des insultes bien senties, façon rappeur énervé, ou analysent l'actualité à coups de schlagues verbales. Ils se trouvent importants parce que certains médias passé du côté obscur (pour ne pas dire complotistes ou facho-compatibles) tels que CNews, Sud Radio, Valeurs Actuelles ou encore France Soir leur ouvrent régulièrement leur micro.

Ne nous leurrons pas. Derrière la pensée brune distillée à coups de blagounettes dont la violence le dispute bien souvent à la vulgarité, c’est un écosystème qui est mis en place pour vendre, qui des livres, qui des conseils et des séances de coaching, qui des compléments alimentaires, qui des articles vestimentaires labellisés. Sans parler, bien sûr, des revenus Youtube engrangés grâce à la pub et au nombre de vues comptabilisées. On n’est pas là que pour déblatérer dans le poste. On est surtout là pour vendre des produits tout en diffusant lentement mais sûrement une pensée en adéquation avec la clientèle. Le créneau est juteux car l’époque est à l’ennui et au désespoir. L’humour trash anti système est tendance.

Les gros bras de l’internet, font l’apologie de la force et du muscle, de l’homme viril responsable et maître de sa destinée, du port d’arme et de la peine mort. Ils abhorrent, en vrac, la gauche, les élites, la féminisation (la faiblesse) de la société et du pouvoir politique, le féminisme et donc la parité homme-femme, le mariage pour tous, la PMA, l'écologie, la mondialisation, l’immigration de masse… Homophobes, misogynes et xénophobes, ils cumulent ce qui se fait de pire en termes de valeurs humanistes. De toute façon, l’humanisme, l’empathie et la bienveillance ne font pas partie de leur vocabulaire. Tout ce qui affaiblit la puissance du mâle ou la pureté de la nation française leur est insupportable. Bref, des caricatures.

Cette régression intellectuelle teintée de néandertalisme pourrait être divertissante si elle n’était pas simplement abjecte et purement mercantile. Le créneau de la contestation anti-système, bien qu’encombré depuis quelque temps par les Gilets Jaunes, les Black Blocks, les antivax, les anti masques, anti pass et autres anti-tout et conspirationnistes de tous poils, le créneau donc, reste profitable, il suffit d’y trouver sa place et sa spécificité.

Il est simplement navrant qu’après des siècles de lutte et d’avancées sociétales, de jeunes chroniqueurs opportunistes, dans le confort tiède de leurs salons bourgeois, conchient les valeurs du vivre ensemble et s’amusent à fracturer d’avantage, s’il en était besoin, une société désemparée. Il est vrai que le pouvoir prépare le terrain depuis des décennies et le dernier en place, même s’il a à gérer une crise sanitaire mondiale déstabilisante, semble avoir tout fait pour permettre l’émergence de ces nouveaux showmen démolisseurs, bouffons promoteurs d’un avenir de violence.

Que signifie vraiment ce vomi rétrograde et ce rejet des valeurs humaines fondamentales dont notre pays fut longtemps exemplaire ? Pourquoi cette haine distillée sans complexe et dégustée avec gourmandise trouve-t-elle autant d’écho et se répand-elle aussi facilement qu’un virus et plus particulièrement chez un public jeune ? L’époque est trouble, à n’en pas douter, et les prédicateurs toxiques sont légion. Chaque crise économique, sanitaire ou identitaire les a vus surgir de leur boîte tels de tristes diables avides de se repaître de la détresse et capitaliser sur les colères engendrées. Le pire se tient toujours embusqué derrière le désespoir.

L'humour de la haine, la casse du modèle démocratique, même s'il mérite d'être fortement critiqué voire remis en cause, le retour vers un obscurantisme des valeurs, le rejet de tout ce qui unit les hommes et leur permet de vivre en paix, le pilonnage de "l'Egalité" et de "la Fraternité" qui semblent devenus des gros mots, la frime du quéqué soulevant de la fonte, tapant dans un sac de frappe ou vidant le chargeur d’un fusil d'assaut, l'identification aux puissants chevaliers en armure boutant l’envahisseur (ils s’imaginent chevaliers mais n’auraient-ils pas été de simples gueux en ces temps fantasmés ?)… tout ces discours agressifs et clivants, cette iconographie caricaturale presque clownesque, révèle un niveau de réflexion de cours d’école. 

On peut n’y voir qu’un show d’humoriste d’extrême-droite. On peut sourire aux saillies et applaudir les performances car certains ont acquis une réelle maîtrise du divertissement radical et de son business. On peut aussi se questionner sur la nocivité du discours, que l’on retrouve sur l’ensemble des réseaux, et se poser la question, non pas de l’interdiction, qui ne ferait qu’alimenter leur argumentaire nazillard (avec un Z), mais plutôt de la contre-offensive sur un territoire virtuel qu’ils clament avoir conquis. Il s’agit bien de groupes factieux qui colonisent des espaces de liberté en diffusant une idéologie pour le moins nauséeuse qui en rappelle d’autres. Ce nouveau « talibanisme occidental » pronant un retour aux valeurs moisies ne doit pas être vu avec complaisance. Leur humour est un cheval de Troie qui pénètre les esprits perméables en profondeur. 

Personnellement, je ne supporte pas cette haine et ce dégoût banalisés, affichés et diffusés en permanence. 

Bon, c’est pas tout ça, il est l’heure de mon calmant !

vendredi 26 février 2021

Le Petit Polémiste de Ilan Duran Cohen : Bouquin



Roman d’anticipation (mais si peu), décrivant la société française de demain matin, où les dogmes bien-pensants font loi et où la notation sociale est vitale. Le polémiste télévisuel Alain Conlang, en fera les frais, après voir lâché une réflexion humoristique sexiste lors d’un dîner entre amis. Victime d’un bannissement public et privé et affublé d’un entourage totalement baroque, il devra affronter une justice kafkaïenne qui ne plaisante pas avec la pensée de traverse. Grinçant et très drôle.


Le petit polémiste

Ilan Duran Cohen

Acte Sud

lundi 4 janvier 2021

Le Flagadisme ou le droit au coup de mou

Qu'est-ce encore que cette nouvelle religion de la bonne humeur qui impose chaque début d'année ses codes, ses règles et ses rituels ?  

Pour échapper à l’invective et demeurer un humain fréquentable, il faudrait être exclusivement positif. Je ne parle pas d'optimisme mais de béatitude contrite, de joie surjouée et de posture benoîte.

Je revendique le droit au coup de mou et à la pause syndicale du Touvabienisme et ses cadences éreintantes. D’autant plus en ce début 2021 qui n’offre comme horizon visible qu’un vaccin qui représente, au mieux pour ceux qui le défendent, une diffusion au compte-gouttes en ce début d’année et, au pire pour ceux qui le rejettent, un poison technologique. En tout cas un objet politique incontrôlable.

Il ne représente que la suite logique de la fracture insurmontable qui scinde notre pays et la remise en question systématique de la parole politique (cela peut se comprendre) mais beaucoup plus dramatique, de la parole scientifique, nos chercheurs et nos médecins étant devenus subitement des assassins pour plus de la moitié de nos concitoyens…

C’est ici que je flagadise, devant la bêtise conspirationniste qui s’est diffusée et amplifiée ces derniers mois. Plus efficace qu’un vaccin dans une seringue, la rhétorique antivax via les réseaux sociaux. Au secours!

Coup de mou assumé, donc, face à cette politisation radicale et caricaturale de la santé et à cette impossibilité qu’ont les humains (les Français ?) à faire front raisonnable pour vaincre le fléau. Néanmoins optimiste (toujours) pour envisager une issue favorable même si elle doit s’inscrire dans le temps.

Bisous!!!