dimanche 26 avril 2020

LA DIAGONALE DU PITRE *

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Désir de plein

Écrire, pour ne signifier que le vide suspect d’une pensée informelle, peut s’avérer être sinon une nécessité intrinsèque du moins un exercice stimulant mais faussement constructif.

La recherche systématique de formulations impactantes, contraint le disserteur à emprunter une narration falsifiée et artificiellement convenue dont il n’aura que l’obligation de travestir la forme. Tordre les mots et leurs sens, jusqu’à dissoudre l’essence même qui les compose, s’avèrera un jeu d’équilibriste aux limites forcément réductrices.

Écrire pour construire un cadre à une rhétorique purement verbale, et pourquoi pas verbialisante, c’est décider de s’oublier derrière la langue, de disparaître devant l’argument, pour ne restituer que le chant envoûtant du phrasé. Il devient alors primordial de choisir ses mots avec un soin particulier et un impératif poétique car, quitte à raconter n’importe quoi, autant le faire avec élégance.

Si certains s’écoutent parler, d’autres se lisent écrire. Souiller la blancheur d’une page en y jetant en vrac des mots aux vertus uniquement décoratives, à l’instar de ce que vos yeux communiquent à votre cerveau en ce moment même, est un travers répandu et admis. L’activité jouissive, qui consiste à vouloir paraître intellectuellement affûté, que je pratique en écrivant ces mots, mais qui masque en réalité une faiblesse conceptuelle due à une enfance trop aimante, ne doit pas faire oublier que, derrière la main qui tient le stylo, commande un esprit frustré sans doute trop tôt sevré.

La pensée inutile, telle qu’elle surgit le plus promptement et le plus souvent dans l’écrit ou le parler, chez l’humain satisfait de lui-même, est une pollution tout à la fois visuelle, sonore et cérébrale. Alors que le silence, ce moyen oublié de signifier, trouve trop peu souvent le créneau apaisant d’une démonstration elliptique, l’abondance de mots corrompt le désir initial démonstratif en le maquillant vulgairement. L’excès de sens tue le sens et une page blanche révélera davantage la torture créative qu’aucun mot ne le fera jamais. Décrire les affres de la conception peut s’avérer être un pur oxymore. La page vierge, le mutisme ou la toile blanche ne représentent-ils pas la quintessence de la détresse conceptuelle ?

Au-delà des signes arbitrairement choisis pour décrire ce que nous appelons communément «émotion», la décision raisonnée de partager un état relève avant tout d’un narcissisme refoulé. La tension ponctuelle de l’affect, qui contraint les mécanismes d’interférence avec autrui, change la perception ordinaire de notre périmètre sensoriel. C’est pourquoi, bien souvent, le constat d’efficience observé peut traduire le dysfonctionnement sous-tendu d’une résilience fragmentée. Croire n’implique pas nécessairement savoir, bien au contraire, et il suffit parfois d’admettre au lieu de comprendre.

Ainsi, nombre d’ouvrages édités ne sont-ils pas finalement qu’une succession de termes choisis pour habiller avec soin une pensée sans épaisseur, des idées sans concept ? La banalité d’un poncif, si celui-ci est introduit avec panache, ne peut-elle tendre vers une originalité apocryphe, certes, mais acceptée et partagée ?

Ainsi les extraits suivants volontairement abscons et parfaitement packagés,

«L’urbaine symphonie des volumes oppressants que nos cités composent n’est que la conséquence involontaire d’une verticalité dissonante et atonique...»
(Architecture, Art ou Supercherie ? - Jean Aymar - Editions Béton Libre - 2025)

ou bien plus simplement, 

«...il n’est d’espoir réel que celui d’un horizon inaccessible...»
(Demain, j’étais - Jack Adidebou - Editions Dubois - 666 avant JC)

ne sont-ils pas la représentation altérée d’une réflexion simpliste et vacante ? Si la construction linguistique est indissociable de la volonté de signifier, le choix des mots, secondaire, ne doit pas interférer avec le signifiant. Ainsi, flatter le lecteur en lui proposant un vocable parfaitement accessible mais en lui imposant un agencement lexical délibérément dissonant, procède sinon d’une imposture préméditée du moins d’une facilité manifeste.

«Écrire, c’est dissoudre son âme pour mieux y naviguer» affirmait Scaton le Vil dans ses «Chroniques Avant-Dernières». Accepter de fragmenter l’unité de notre pensée raisonnée, c’est se libérer du carcan réducteur de l’acquis ancestral. L’implant sociétal communément accepté et transmis, masque une réalité perceptive à la fois anamorphique et universelle. L’écriture a cela de factice qu’elle propose au lecteur une empreinte abusive  parfaitement consentie. «J’écris donc je suis» fait écho au «Je lis mais qui suis-je ?». Le questionnement de la lecture succède alors à l’affirmation de l’écriture, inversant le protocole reconnu de l’apprentissage terminologique. 

Le sens d’un simple mot est multiple pour ne pas dire infini. Deux mots réunis décuplent d’autant plus la valeur du contenu. L’ensemble étant plus fort que la somme de ses parties (Gestalt Théorie), le raisonnement intuitif basé sur l’apparentement contraint et machinal des différents termes, travestit obligatoirement la fonction référentielle préalable. La démarche cognitive se doit donc de fixer, comme antériorité inconditionnelle, l’analyse dialectique afin de baliser le territoire de l’approche empirique. La recherche objective de la signifiance peut alors débuter pour tenter d’élaborer la représentation structurelle et l’ossature du récit...

* ou « écrire n’importe nawak en donnant l’impression d’une réflexion intense et d’une culture infinie »

mercredi 1 avril 2020

La Légion d’Honneur de leçons : Humeur

Ils sont beaux, colorés et bavards tous ces oiseaux médiatiques qui, par désœuvrement, opportunisme ou revanche, sortent de leurs réserves, le verbe haut et la plume vibrante pour déverser leur bile amère et leurs critiques faciles à la face des autorités. Des autorités qui, il faut bien l’avouer, peuvent paraître dépassées mais tentent chaque jour de s’adapter et de contenir au mieux une pandémie que personne n’a réellement vu venir ou, du moins, n’a pas pris initialement au sérieux.

Ils sont fort aises ces tartuffes de dresser la liste de ce qu’il aurait fallu faire tout en scandant inlassablement leur ritournelle «gouverner, c’est prévoir !»…«Scandale que cette pénurie de masques et de gel»…«pourquoi ne teste-t-on pas tout le monde ?» …«officialisons le traitement à la chloroquine et au diable les essais cliniques et les effets secondaires»… Ne parlons pas des complotistes fidèles à leurs délires paranoïaques et leur bêtise congénitale.

Ceux qui dénoncent aujourd’hui un confinement tardif sont peut-être les mêmes qui exigeaient hier la tenue des élections municipales. L’opposition fait feu de tout bois pour déstabiliser un pouvoir qui a d’autres priorités que ce jeu politique puéril et contre-productif. Ce manque d’humilité, l’irresponsabilité affichée d’une partie de la classe politique prouve à quel point ces professionnels de la «chose publique», d’une part ne craignent pas le ridicule mais surtout, placent leur ego et leur quête du pouvoir bien au-dessus du bien commun.

Les médias alimentent et entretiennent la stupidité ambiante car il faut « buzzer », « audimater » et occuper le confiné. Qu’importent les inepties déversées H24 par des invités incompétents mais volubiles, sur des sujets aussi complexes que la santé publique et aussi peu maîtrisés que le Covid 19, qui n’ont pour seul effet que de nourrir la peur ambiante.

Nous voyons bien les limites opérationnelles que dessine la présence de ce virus partout dans le monde et plus particulièrement en occident. La fulgurance de sa propagation a surpris tous les états aux populations culturellement indisciplinées ou non habituées au port quotidien de masques dans des espaces habituellement pollués. Difficile dans ces conditions aux autorités d’imposer de nouvelles règles vitales. 

Facile aux détracteurs de reprocher un retard à l’allumage lorsque l’on voit qu’encore aujourd’hui, au quinzième jour de confinement, certains Français «invulnérables» ne prennent aucune précaution. Facile et inutile surtout de refaire l’histoire uniquement pour alimenter la polémique dans un moment où la cohésion de tout le monde est primordiale pour la sauvegarde de chacun. Il ne s’agit certainement pas de tomber en pâmoison ou en hébétude devant Macron et son gouvernement. Il s’agit juste de faire une trêve et d’arrêter réellement de faire les cons.