lundi 29 décembre 2014

Margaux : 1990-2014


Elle s'appelait Margaux et avait vingt-quatre ans. Elle était belle, drôle et pétillante. C'était ma nièce la plus proche et elle a décidé de mettre un terme à sa jeune vie le jour de Noël... plus ou moins.

Plus ou moins car son corps sans vie a été découvert hier après-midi, le 28 décembre, dans son studio parisien, par deux de ses amies qui s'inquiétaient de son silence ces derniers jours. Elles se sont rendues chez elle et, après avoir découvert un mot manuscrit dans sa boîte aux lettres où elle demandait à sa mère de lui pardonner, elles appelaient aussitôt les pompiers, n'osant pas affronter le drame pressenti. L'enquête et l'autopsie sont donc en cours pour déterminer la date et le mode opératoire du suicide. 

La seule information provisoire recueillie auprès de l'équipe d'intervention serait l'ingestion d'une bouteille d'Ajax. J'ose à peine imaginer l'agonie monstrueusement douloureuse subie. Rongée doublement et totalement de l'intérieur, psychiquement et physiquement. Effroyable !

Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Ces pourquoi qui hantent systématiquement les proches quand ce drame frappe, demeurent généralement sans réponse. Pourquoi en est-elle arrivée là ? Pourquoi n'ai-je rien vu venir ? Pourquoi notre famille ? Pourquoi ce gâchis ?

La peine ressentie se situe pour le moment bien au-delà de ce besoin d'explications. Nous sommes tous sonnés, effondrés.

Comme d'ordinaire, certains diront leur étonnement, d'autres au contraire que c'était prévisible mais, quelque soit le contexte où le "terrain", rien ne peut réellement expliquer ou justifier le passage à l'acte à ceux qui restent.

Bien sûr Margaux venait de vivre une année étrange, délicate, voire difficile.

Nous avions passé ensemble, en famille, le Noël 2013. Elle semblait alors fort excessive en tout, en paroles, en gestes, en alcools, en décibels... Bref, elle bouillonnait avec une telle frénésie que nous nous en étions fait la remarque, mettant cet état sur le compte de la fête et d'un prochain séjour de plusieurs mois aux Etats-Unis. Elle partit effectivement deux ou trois mois plus tard pour New York. Trois mois s'écoulèrent encore et son frère la faisait rapatrier d'urgence, dans un état d'instabilité et d'incohérence alarmant qui nécessita une mise au repos et un suivi dans un centre spécialisé.

Que s'est-il passé à New York ?

Elle ne s'est jamais livrée sur le sujet. Seuls quelques mots échappés, arrachés, laissaient supposer drogue et violence sans aucune certitude. Elle possédait deux carnets intimes rédigés ces derniers mois qui pourront peut-être lever une partie du voile.

Depuis son retour des USA, elle avait peu à peu refait surface, renoué avec ses amis et sa vie parisienne. Elle devait prochainement partir travailler pour ATD Quart Monde. Nous la savions encore un peu éprouvée par son expérience américaine mais, croisée en octobre dernier, son sourire nous avait ébloui. C'est pourquoi ce dernier geste demeure énigmatique.

La rapidité de sa métamorphose est également plus que troublante. Comment une jeune fille joyeuse, volontaire, dynamique, drôle, indépendante, passionnée, belle, a-t-elle pu aussi rapidement et radicalement perdre pied et décider de s'en aller ? Tout cela est insensé.

Insensé et d'une tristesse absolue.