samedi 28 février 2009

Film : Gran Torino - Clint Eastwood

Walt Kowalski est un vétéran de la guerre de Corée. Vieux con acariâtre et pétri de préjugés, tout ce qui perturbe ses certitudes et son univers étriqué provoque chez lui bordées d'injures et humeur mauvaise. De ses voisins coréens à la voiture japonaise d'un de ses fils, il crache sur tout ce qui est étranger. Il vient de perdre sa femme aimée et vit seul, avec sa vieille chienne, dans un quartier peuplé d'immigrés. Une nuit, poussé par un cousin appartenant au gang local, Tao, son jeune voisin coréen, tente de lui voler sa précieuse Ford Gran Torino, souvenir de sa longue carrière Fordienne... Walt chasse l'adolescent et fait face à la bande qui terrorise le voisinage. Il devient malgré lui le héros du quartier. Lui qui se complaisait dans son aigre solitude doit alors accepter un flot d'offrandes diverses. Peu à peu il pénètre bien malgré lui ce monde et cette culture sur lesquels il a toujours craché. Sue, la sœur aînée ainsi que la mère de Thao, insistent pour que ce dernier se rachète. Il y va de leur honneur et elles proposent qu'il travaille pour Walt toute une semaine. Surmontant ses réticences, ce dernier confie au garçon des "travaux d'intérêt général" au profit de tout le voisinage. C'est le début d'une surprenante amitié qui bouleversera leur vie.

Décidément le dernier géant d'Hollywood nous étonnera toujours et quand il s'amuse à régler les comptes avec sa propre image de justicier viril qu'il se traîne depuis les 70's, on ne peut que saluer l'artiste et son incroyable sens de l'humour et du retournement de situation. "Dirty" Harry Callahan est définitivement enterré, avec élégance qui plus est.

Walt Kowalski semble être d'ailleurs une synthèse de ses personnages les plus emblématiques, l'extrémisme de Harry, le poids du passé de Munny l"Impitoyable", le rejet de la famille et de la religion de Dunn, l'entraîneur de boxe. Le tout mixé dans un scénario évident, limpide, formidablement orchestré, véritablement émouvant et finalement bluffant.

Cet homme est foncièrement élégant, tranquille et tellement efficace. Il promène depuis longtemps sa longue silhouette nonchalante dans ses films en déjouant tous les pièges et édifie, bobine après bobine, une œuvre immensément humaine et proche. Ce dernier film, en tant qu'acteur parait-il, reste narcissique, certes, mais pose un regard chaleureux et apaisé sur une Amérique en mutation. Et même s'il avoue ne pas avoir voté pour Obama, Eastwood n'en demeure pas moins un grand humaniste. Ce film en est la démonstration éclatante.

jeudi 19 février 2009

Film : The Wrestler - Darren Aronofsky

L'histoire de ce vieux catcheur déchu est très émouvante, il faut le reconnaître. Quand elle est ainsi portée par un Mickey Rourke à ce point habité et troublant de vérité, on ne peut que se laisser emmener, en plus, par la caméra à la fois nerveuse, très proche et pudique d'un Aronofsky inspiré.

Randy "The Ram" Robinson, ancienne star du catch des années 80, vit aujourd'hui dans un mobile home minable dont il a peine à payer le loyer. Vieillissant en dehors du ring, avec ses lunettes à doubles foyers et sa prothèse auditive, il semble renaître lorsqu'il entend les clameurs de la salle et qu'il monte sur le ring. Malheureusement, aujourd'hui, il est relégué aux salles de fêtes et aux gymnases sordides du New Jersey qui offrent des spectacles toujours plus sensationnels et violents où les protagonistes ressortent en sang. Approchant la soixantaine, pour rester en forme, il n'hésite pas à abuser de produits dopants achetés sous le manteau. Un soir, après un match, il est victime d'une crise cardiaque dans les vestiaires. Hospitalisé et opéré pour un pontage, son médecin est formel quand il lui annonce qu'il doit arrêter le catch. Randy va essayer de reconstruire une vie gâchée. Il tente donc de renouer avec sa fille adolescente, dont il ne s'est jamais occupé, entame une relation avec Pam, une stripteaseuse vieillissante, presque autant paumée que lui, et recherche un travail plus régulier. Jusqu'au jour où on lui propose un dernier combat contre son plus grand adversaire, l'Ayatollah...

Rourke est littéralement impressionnant en catcheur bodybuildé, clone de Hulk Hogan avec ses longs cheveux décolorés, dont il se refait pitoyablement les racines régulièrement, et qu'il porte en chignon en dehors des rings. Il est tout autant bouleversant de sincérité, une vraie tristesse à fleur de peau dans ce corps brisé et à bout de souffle. Il n'en fait jamais trop dans le pathétique comme pour mieux se donner à fond sur ces rings qu'il connaît réellement. À la violence des combats succèdent l'introspection, les regrets, la solitude... Il parle peu et quand il parle sa voix profondément brisée fait mouche. Aucun doute, il y a un vécu au-delà de la pellicule. La stripteaseuse Cassidy, touchante Marisa Tomei, continue à s'exhiber malgré son âge, pour nourrir son jeune fils mais elle sait qu'elle arrive au bout du chemin. Le catcheur vieillissant est son meilleur client mais il voudrait plus. Elle refuse au début, rejetant cette image d'elle-même qu'il lui renvoie comme un vieux miroir brisé. Puis elle se rapprochera peu à peu comme si finalement les fêlures de l'autre les rassuraient mutuellement.

Darren Aronofsky (Pi, Requiem for a Dream, The Fountain) filme, caméra à l'épaule, le New Jersey, comme il sait le faire, glauque à souhait parsemé de quelques couleurs crues improbables. On reste cependant loin du stylisme et des effets recherchés et systématiques d'un Requiem pour se concentrer sur l'histoire et s'approcher au mieux des acteurs. Le réalisme prime et confère au récit une authenticité bouleversante.

Le nouveau film d'un grand réalisateur avec un Mickey Rourke époustouflant. J'adore ce mec et il était temps qu'il revienne vraiment dans un rôle taillé pour son immense carrure.