lundi 24 novembre 2008

Film : Babylon A.D. - Mathieu Kassovitz

Film très attendu, aux multiples péripéties, dont le tournage est déjà, à lui seul, une sombre épopée : budget explosé, disputes, contretemps catastrophiques, chute du film aux mains de la compagnie d'assurance chargée de veiller à son bon déroulement...

Adapté du roman "Babylon Babies" de Maurice Dantec, le film nous propulse dans un futur proche, ravagé par la guerre, en proie à l'anarchie et aux intégrismes de tous acabits. Le mercenaire Hugo Cornelius Toorop (Vin Diesel) est chargé d'escorter, de son couvent sibérien jusqu'à New York, une jeune et mystérieuse jeune fille, Marie (Mélanie Thierry) escortée par sa Mère Supérieure (Michelle Yeoh). On envisage déjà, au bout de cinq minutes d'images de cet univers retourné en partie à la barbarie, que l'odyssée sera périlleuse. Bref il faudra tous les talents réunis d'un Vin Diesel en pleine forme pour arriver à bon port. Et encore, c'est là que les ennuis commenceront réellement pour eux...

Un curieux mélange entre "Le fils de l'Homme" dont il n'atteint quand même pas le niveau et "Le cinquième Élément", en moins niais.

Étant client de ce type de produit, j'étais inquiet, a priori et j'ai finalement adoré ce délire visuel d'une heure quarante, presque trop court. La voix gravement nonchalante de Vin Diesel est incroyable, son faciès de poète et ses bras tatoués fonctionnent parfaitement dans ce rôle du protecteur/tueur sans état d'âme. Mélanie Thierry est magnifique de fragilité. Michelle Yaoh demeure toujours aussi sobre et efficace. Nous croiserons Depardieu en maffieux russe difforme, Charlotte Rampling en Gourou High-tech ou encore Lambert Wilson en père paralytique.

Tons bleus, sombres et glacials de rigueur, décors chaotiques, industriels, métalliques ou désertiques (Alaska), B.O. musclée, trouvailles visuelles en pagaille, action non-stop sans aucun temps mort... Bref, du cinéma efficace, tonique, divertissant et plutôt intelligent.

Kassovitz sait y faire et s'est visiblement amusé avec ses caméras et sa post-production.

Film : Ben X - Nic Balthazar

"L'important... c'est le courage"

Ben, ("je suis" en flamand), est un adolescent atteint du syndrome d'Asperger, un autisme dit de "haut niveau" qui lui a permis de développer une expertise hors-norme dans un domaine très particulier, l'informatique et le jeu vidéo Archlord (à l'instar de Lisbeth Salander l'héroïne hackeuse de la trilogie Millenium). Complètement asocial mais brillant intellectuellement, il suit une scolarité pourtant normale sinon qu'il est l'objet d'un harcèlement moral quotidien de la part de deux élèves de sa classe. Autant il est un champion sans égal dans son monde virtuel autant il est totalement inadapté au monde réel avec lequel il ne communique pratiquement pas du tout. Le monde est ainsi divisé en deux pour Ben. D'un côté, le cocon de sa chambre, sa quête chevaleresque et son amour pour Scarlite la guerrière et compagne de jeu et puis, le reste du monde, l'agression sonore urbaine et verbale des autres lycéens et humains en général. Ce harcèlement va devenir bientôt physique jusqu'à atteindre l'insupportable, parents et institutions étant incapables d'agir pour le protéger. Alors qu'il décide d'en finir définitivement avec son douloureux quotidien, la mystérieuse Scarlite entre dans sa vraie vie...

On peut imaginer ce qu'une production américaine aurait fait d'un tel sujet. Le héros, lassé des brimades, recouvre enfin le courage et la force légendaires de son avatar et met une méchante trempe aux collègues qui lui pourrissent la vie. Nic Balthazar choisit d'attaquer le problème complètement différemment et surtout, plus finement. Nous suivons le cheminement de Ben, constamment perdu entre le virtuel et le réel. Balthazar transforme continuellement la réalité perçu par l'adolescent à travers le prisme de ses habitudes virtuelles. La ville devient un écran de jeu, ses agresseurs de vilains trolls qu'il imagine fendre en deux de son sabre sanglant... Le parallèle étant renforcé par une B.O. de musique électronique, dédiée à ce type de jeux, comme Sigur Ros, Eus ou Praga Khan. Une réussite visuelle tenant aussi au fait que les parties "jouées" sont issus directement des graphismes du jeu existant Codesmarsters Archlords, jeux en réseau massivement multijoueurs (ou MMORPG), que l'auteur semble avoir particulièrement étudié dans ses moindres recoins. Le "X" de Ben X signifiant d'ailleurs la mort, le Game Over d'un personnage. Quant à la parabole finale, elle est magnifique...

Nic Balthazar, ancien critique de cinéma et de théâtre flamand s'est inspiré d'un fait réel : le suicide d'un jeune autiste harcelé à mort par des camarades de classe. Fortement ému par la détresse de la mère de la victime, il écrira un roman "Il ne disait rien du tout" puis un court-métrage où l'on retrouve déjà une partie du casting de Ben X, le long-métrage étant la dernière étape de l'histoire. Nous sommes ici au-delà d'un simple film passionnant. Après sa sortie en Belgique (et son succès fracassant), le film est littéralement devenu un objet d'étude pédagogique, projeté et analysé en classe. En France, même s'il ne rentre pas directement dans le cadre des programmes de l'Éducation Nationale, l'ambition et le foisonnement des thèmes abordés : l'autisme et la différence, le mal-être et le suicide des ados, l'importante des images et des nouvelles technologies, ont fait l'objet de différents dossiers d'accompagnements pédagogiques.

Un film brillant à tous les étages et incommodant parfois, au niveau du montage et de la bande-son, car vu à travers les yeux de son héros angoissé.
Un univers déroutant, insolite comme celui de Darren Aronofsky ("Pi" ou "Requiem for a Dream").
Une œuvre magnétique et bouleversante, à voir absolument (en Flamand, bien sûr).

"La fin d'une chose est le commencement d'une autre"

mercredi 19 novembre 2008

Film : Appleseed - Shinji Aramaki

"Appleseed" (2005) et "Appleseed Ex Machina" (2007)

D'une pierre deux coups pour vous dire tout le bien que je pense de ces deux merveilles. Il y a, bien sûr, un préalable, il faut en apprécier le genre. Avant tout, quelques mots-clés pour baliser le sujet au cas où l’affiche ne serait pas assez parlante : animation, japonais, science-fiction, action. Bien, voilà qui est fait. Je ne m'adresse donc qu'à ceux qui goûtent déjà ce type de production et à ceux qui ne sont pas contre a priori et aiment les belles choses bien faites.

J'irai droit au but. Techniquement, c'est ce que j'ai vu de plus abouti en terme d'animation 2D et 3D conjuguées. C'est absolument époustouflant de fluidité et d'action. Plastiquement sublime, sensuellement troublant, ces deux récits d'anticipation philosophiques démontrent, une fois de plus, que l'animation demeure le meilleur moyen pour concevoir des mondes utopiques, irréels et poétiques aux confins des imaginations les plus débridées.
La beauté du graphisme, la magnificence des décors, la nervosité du montage, la pertinence du son, le souci des détails en deuxième, troisième et derniers plans, contribuent à rendre "vraisemblables" les récits. John Woo s'est associé à Shinji Aramaki pour produire le second opus et la scène d'ouverture de la cathédrale est à couper le souffle.

Les thèmes soulevés par Appleseed renvoient à la place de l'humanité ici bas, sa légitimité, ses limites et sa tolérance face à tout le reste, à tout ce qui n'est pas elle et particulièrement les bioroïdes, êtres nouveaux et parfaits, créés pour l'aider et la remplacer, un jour qui sait mais dont l'existence même est en jeu... Sujet bateau de rédaction pour lycéen boutonneux diront certains. Et pourquoi ne pas remettre continuellement sur la table des sujets qui n'ont toujours pas trouvé de réponse et de façon ludique qui plus est ? Une spécialité des Japonais d'ailleurs, pour qui l'animation est un art majeur, propre à la méditation.

Nous sommes loin des productions Disney ou même Pixar. Ce n'est pas non plus par hasard, qu'après Pixar justement, Disney se soit associé aux productions des studios Ghibli de Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro, Le château dans le ciel, Princesse Mononoke,...). S'y révèlent des mondes et des problématiques insoupçonnés pour nos esprits occidentaux, des voyages initiatiques parfois, souvent troublant qui méritent en tout cas quelque détour... Il faut oublier les productions japonaises vues dans nos petits écrans occidentaux et qui sont, pour la plupart, relativement médiocres. L'animation japonaise est aujourd'hui à la pointe. En témoignent les "animatiques", ces petits films de transition entre deux niveaux de certains jeux sur nos consoles préférées, entièrement réalisés en images de synthèse. Les plus mémorables furent ceux de la saga Final Fantasy, dont deux longs métrages ont depuis, vus le jour.

Les deux Appleseed font désormais partie de ces monuments de l'animation qui, sans atteindre la poésie et la beauté d'un Chihiro, contribuent à faire avancer le cinéma et une certaine réflexion existentielle. Ce sont aussi deux formidables films d'action survitaminés.

Également, dans le genre bien fait et pas trop idiot, "Vexille", vu récemment.

mardi 18 novembre 2008

Film : Shoot'Em Up - Michael Davis

Bon, comment dire... ça ne ressemble à rien de connu ou plutôt si, ça ressemble à pleins de trucs mais en pire, en énorme, en excessif et en jouissif...

M. Smith (Clive Owen) n'aurait jamais dû se trouver là et pourtant, il aide un enfant à naître, en pleine fusillade, et le sauve d'une bande de tueurs sans pitié. Lui, sombre, solitaire et violent, se retrouve à protéger un nouveau-né, cible d'une puissance mystérieuse décidée à effacer toute trace de son existence grâce au redoutable M. Hertz (Paul Giamatti) et à son armée d'assassins.

Smith trouvera un peu de chaleur maternelle pour le bébé, et de réconfort personnel, auprès de DQ (Monica Bellucci), une prostituée au grand cœur. Le couple tentera de percer le secret de l'enfant en passant entre les milliers de balles qui fusent...

La cavale folle et déjantée d'un homme seul contre plusieurs centaines de tueurs lancés à ses trousses, qu'il liquide par paquets de cinquante... c'est franchement n'importe quoi mais tellement bien orchestré et drôle que ça en devient sublime... Du cinéma hyperactif shooté à l'EPO.

Un talent évident et des trouvailles de mise en scène par dizaines pour cet ovni insensé et un plaisir de faire réellement communicatif.

Si vous n'avez pas assez d'argent pour l'acheter, volez-le, vite !

Film : L'Illusionniste - Neil Burger

Voici un film épatant (expression de la seconde moitié du XXe siècle), vu récemment, que je vous recommande sans aucune hésitation.

Amour, suspens et magie sont au programme de ce film brillant, élégant et convainquant.

Vienne, dans les années 1900. Le grand et mystérieux illusionniste, Eisenheim (Edward Norton, beau et magnifique), s'y produit et ne tarde pas à devenir l'homme le plus célèbre de la ville, enveloppé d'une aura quasi surnaturelle et mettant en scène une magie proprement incroyable... Mais la gloire d'Eisenheim est intolérable à Leopold le Prince héritier (Rufus Sewell, toujours aussi saisissant), dont la popularité décroît à mesure que grandit celle du magicien. Rationaliste convaincu, avide de pouvoir, Leopold a une raison supplémentaire de jalouser Eisenheim : ce dernier fut le grand amour de jeunesse de sa fiancée, la belle Sophie von Teschen (troublante Jessica Biel), qui nourrit encore pour lui de tendres sentiments.
Décidé à détruire ce rival, Leopold charge son homme de confiance, l'inspecteur Uhl, (l'énorme Paul Giamatti dans ses œuvres) d'enquêter sur l'illusionniste et de dévoiler ses impostures. Une partie serrée s'engage alors entre les deux hommes habités cependant par un respect mutuel...

C'est du beau cinéma : décors, costumes, photo, acteurs...
C'est du cinéma malin : scénario, mise en scène, suspense et rebondissements...
C'est du cinéma palpitant : amour, jalousie et vengeance...

Certes, un charme désuet mais tellement efficace et somptueux.
Sans aucune hésitation, vraiment !

vendredi 14 novembre 2008

Film : Mesrine - Jean-François Richet

(Part 1) L'instinct de mort

Il était attendu l'animal, battage marketing oblige. Jacques Mesrine, sa vie, son œuvre, portées au cinéma. Quel terme choisir ? L'anglicisme "biopic" (contraction de "biographical picture") ou le terme français "biografilm" ? Je ne sais pas ce que vous en pensez, et désolé pour les puristes de la langue, mais "biopic" pète nettement plus.

Donc, le biopic de Mesrine s'affiche depuis déjà trois semaines dans toutes les bonnes salles françaises. Un film de garçons disent certaines filles, un film musclé de toute évidence. Richet n'est pas du genre à faire dans la dentelle ("Assaut sur le central 13" ou encore "Ma 6-T va crack-er") et tant mieux car Mesrine non plus n'a jamais fait dans la dentelle et qui mieux que Vincent Cassel pouvait interpréter ce violent paumé ?

Tout commence en 1960, en Algérie, en pleine séance de torture, où le petit Jacques affiche déjà quelque désinvolture avec la mort qu'il distribue. Retour en France, pavillon de banlieue, famille ringarde, père faiblard, il renoue avec Paul, un pote magouilleur (Gilles Lelouche) homme de main de Guido petit caïd OAS parisien (Depardieu). Argent facile pour cet esprit entreprenant et sans scrupule. Tout s'enchaîne très vite… braquages, flingage, poursuites, mariage, deux enfants, fuite au canada, rebraquage, reflingage, prison, évasion… De l'adrénaline et de l'hémoglobine savamment orchestrées. Avis nuancé cependant pour Cécile de France, qui joue Jeanne Schneider sa troisième femme, en brune, en myope et en shoot-gun, légèrement décalée dans le décor…

Tout cela est en effet filmé avec conviction, l'action primant nettement sur le psychologique. Dommage, Cassel étant complètement habité par le rôle, une introspection plus osée n'aurait pas été de trop (dans la seconde partie ?). Du cinéma hollywoodien disent certains, ce qui n'est pas un gage de qualité mais atteste d'un bon ratio budget/action, ce qui est effectivement le cas.

Un produit bien calibré, donc. Le consommateur en a pour son argent… mais Richet a-t-il réalisé un bon film ? A-t-il opté pour le bon angle d'attaque ? Mesrine était certes un gros futé pour s'être évadé autant de fois, ce qui en a fait un héros en son temps, parallèlement à son statut d'ennemi public numéro un, mais c'était surtout un sale con violent, cruel, raciste et misogyne. Faire interpréter son personnage par Vincent Cassel, dont la cotte est au sommet, radoucit forcément quelque peu le propos et poli son image. Je ne suis pas certain que l'hommage qui lui est fait, malgré tout, à travers ce "biopic" magistralement réalisé, soit bien justifié.

Il donne en tout cas l'envie de voir la suite. Attendons encore quelques jours pour savoir quel sera le verdict du réalisateur.

jeudi 13 novembre 2008

Bouquin : Le fait du Prince - Amelie Nothomb

"Il y a un instant, entre la quinzième et la seizième gorgée de champagne, où tout homme est un aristocrate"

Il n'y a rien à faire, malgré les descentes médiatiques répétées à son encontre, je persiste à lire ses livres, petites pépites de plaisir dégustées une fois par an, rentrée littéraire oblige. Je me suis pratiquement tout envoyé, deux seulement doivent manquer à l'appel. Toujours pas d'indigestion… il faut dire que ses livres dépassent rarement les deux cents pages. C'est aussi cela Nothomb, pas de délayage encombrant.

Bref, j'aime vraiment sa prose et ses dialogues. Certains de ses titres ne sont en fait que des dialogues ("Les Combustibles" ou "Cosmétique de l'Ennemi"). Je la trouve drôle, élégante, raffinée... oserai-je talentueuse ? Sa période auto-dérision-biogaphie japonaise m'a beaucoup amusé, son "Stupeur et Tremblements" était un pur bijou.

Avec son petit dernier "Le fait du Prince", elle renoue une fois de plus avec la fiction insolite et les dialogues prédominants qui forment son empreinte. Baptiste Bordave usurpe l'identité d'un homme richissime venue mourir chez lui par hasard. Sa vie devient alors luxe et volupté dans la confortable villa du disparu auprès de sa magnifique veuve… Ce récit est étrangement soft et énergisant. Un joli conte positivement amoral.

Frais, concis et distingué... aucun doute, c'est du Nothomb !

mercredi 12 novembre 2008

Humeur : Le poulet, le taureau et le vison.

Plusieurs petites discussions récentes m'ont fait sentir à quel point les valeurs et les combats sont volatils.

Aujourd'hui, lorsque l'on veut aborder le problème de la corrida ou celui du marché de la fourrure, il est commun de se voir objecter l'argument fondamental "Tu manges bien du poulet". En d'autres termes "C'est bien joli de combattre le torero ou le fourreur mais commence par devenir végétarien !".

Certes, je ne peux qu'admettre une part de responsabilité évidente dans l'équarrissage planétaire mais tentons de remettre un peu de hiérarchie dans les termes et les arguments. Tuer du poulet, du bœuf ou du poisson pour nourrir l'être humain ne peut être placé sur le même plan que saigner un taureau pour son morbide plaisir ou dépecer un vison pour jouer sa pétasse de luxe. Préciser que le vison est un animal d'élevage, ce qui semble être, pour certains, un moindre mal, renvoie directement au taureau, bestiole nettement plus imposante mais d'élevage également. Le vison mérite-t-il d'avantage le droit à la mort que le taureau ? Dans le cadre des stricts plaisirs frivoles, qu'ils soient vestimentaires ou tauromachiques, non !

Oui, mais la tradition ? Ah, la tradition, leitmotiv récurant du lobby des chasseurs, entre autre, parmi lesquels on retrouve en bonne proportion d'ailleurs, les amateurs de corrida et de fourrure. La tradition pourrait ainsi justifier par exemple que l'on tue des centaines de dauphins chaque année dans les îles Féroé juste pour le "fun", que l'on réduise en poudre les cornes de rhinocéros pour en faire des fortifiants sexuels, que l'on repeigne la banquise en rouge en saignant les bébés phoques, que l'on massacre les palombes dans le ciel des landes en période de nidification, que l'on débusque le renard porteur de rage pour en confectionner des étoles, que l'on excise les petites filles pour interdire le plaisir... (ah non pas ça, c'est pas du jeu… là, ce sont des traditions de sauvages), que l'on enferme des femmes dans des bourquas... (non pas ça, on a dit, c'est pas des bonnes traditions de chez nous !). Bon d'accord, il y aurait donc des bonnes et des mauvaises traditions... bigre, voilà qui change la donne !

Elle a bon dos la tradition. Il n'y a pas si longtemps que cela, chasser sur les terres du seigneur (toutes les terres appartenaient aux seigneurs) était passible au mieux de la bastonnade, au pire de la pendaison. Fort heureusement, une révolution fit le tour du problème pour renverser l'ancienne tradition. Les traditions seraient donc faites pour ne pas durer... C'est pourtant fort pratique la tradition, en quelque sorte un dépotoir de méchantes pratiques et de mauvaises pensées, un repère pour les pervers et les peureux du lendemain...

Je ne suis pas un Taliban de la cause animale. Au risque de heurter la sphère végétarienne, le cerveau de l'homme n'a pu réellement se développer qu'en absorbant des protéines musculaires. Le règne animal est divisé, principalement, en herbivores, carnivores et omnivores. Les végétariens ne sont apparus que vers la fin du XXe siècle. Il y a donc une légitimité à se taper un bon steak bleu de temps à autre et le poulet fait parti de mes menus sans que cela ne me pose un problème éthique insurmontable.

Par contre, élever des animaux et les tuer pour le plaisir des yeux me révulse profondément.

Film : Deux jours à tuer - Jean Becker

On aime ou on n'aime pas ce genre de film et ce cinéaste. Personnellement j'accroche plutôt bien à son univers très personnel, à sa narration faite de légèreté et de gravité. Ses films se dégustent comme des friandises. La langue est belle, les images soignées et les acteurs magnifiquement dirigés. C'est encore le cas pour ce dernier.

Un homme, passé la quarantaine, directeur d'une agence de Pub, est marié à une très belle femme. Ils ont deux enfants, une belle maison, une grosse voiture... bref, tout l'arsenal de la réussite et du bonheur. Pourtant, ce jour-là, celui de son anniversaire justement, il décide de tout briser. Il vend sa boîte, quitte sa femme et ses enfants, insulte ses amis, se bat même avec l'un d'eux, et prend la route pour aller retrouver un père totalement absent de sa vie depuis trente ans, établi en Irlande.

L'homme blessé est joué par Albert Dupontel. Inutile de rappeler à quel point il est magnifique dans tous ses rôles, même dans les navets qu'il a parfois la faiblesse d'accepter. Il l'est d'autant plus dans ce rôle de type au bout de tout, qui fuit une réalité qu'il ne supporte pas. Pourquoi, alors qu'il possède tout, décide-t-il de tout perdre, avec violence. Impossible d'en dire plus, le film recélant sa part de suspens.

Dupontel est superbement entouré : Pierre Vaneck, Marie-Josée Croze, Francois Marthouret, Claire Nebout, Samuel Labarthe... tout ce beau monde est réunis pour le pire et pour participer en chœur au dézingage entrepris et au drame annoncé.

Becker sait y faire. Un cinéma loin des stéréotypes de l'époque. Uniquement une belle histoire, une belle mise en scène et de beaux acteurs. En quelque sorte une leçon de cinéma sans esbroufe et sans artifice. C'est reposant et ça se mange sans faim.

vendredi 7 novembre 2008

Film : W. - Oliver Stone

"Vous m'avez mal sous-estimé !"

J'avais très envie de voir ce film. Nous étions le mercredi 5 novembre 2008, lendemain de la journée désormais historique dans l'histoire des USA. Le monde entier connaissait enfin les résultats tant attendus de l'élection présidentielle américaine… victoire éclatante d' Obama. Yes !

Bref, j'avais terriblement envie de plonger à pieds joints au cœur de ces huit années terribles pour ce pays, qu'au fond de nous, nous idéalisons et qui nous fascine, malgré ses travers, ses excès et, parfois, son arrogante bêtise.

C'est l'histoire d'un mec, Georges W. Bush, monument d'invraisemblance à l'image de ses milliers de caricatures. Oliver Stone raconte plutôt bien l'accession improbable aux fonctions suprêmes de cet abruti de fils de riche, alcoolique et bouffeur de chips, cossard et irresponsable durant la première moitié du film et de son ascension.

Puis, W., le lendemain d'une mauvaise cuite, est visité par God, arrête de picoler, devient over croyant, propre sur lui et fréquentable pour les potes de son père, les vautours républicains Cheney, Rumsfeld, Rove, Wolfowitz et Cie. Ils voient en lui le ticket gagnant, le sésame nécessaire à leur soif de pouvoir et de dollars. Ils repèrent surtout une matière malléable à souhait qu'ils vont balader, jusqu'au scandale des supposées Armes de Destruction Massive de Saddam Hussein et l'enlisement en Irak. Son père, par contre, Georges H. W. Bush (impérial James Cromwell), aurait préféré booster son autre fils, l'aîné "Jeb" futur gouverneur de Floride, la fierté de la famille, et fait constamment sentir à son petit dernier tout le mépris qu'il a pour lui. Une jeunesse dorée mais difficile, donc, pour W. qui n'aura de cesse, selon une opinion d'ailleurs généralement répandue, de chercher à se valoriser auprès de ce père et terminer un boulot qu'il estime inachevé en Irak dix ans plus tôt, en dessoudant Saddam.

Stone est un bon faiseur d'images. On ne peut nier un réel savoir-faire de mise en scène. Les acteurs sont fabuleux, Josh Brolin en tête qui se fond souvent, de façon troublante avec son modèle, Richard Dreyfus, en Dick Cheney, magnifique de retenue et de machiavélisme, Scott Glenn en Rumsfeld va-t-en-guerre ou bien encore Thandie Newton en superbe et inquiétante Condoleeza Rice… certes ! Mais ce concours de sosies bluffant ne suffit pas à faire un bon film.

Nous n'apprenons rien (si, peut-être me concernant, ces fameuses séances de recueillement et de prière collective après chaque réunion de travail), le rythme s'essouffle au bout d'une heure (le film en compte deux), la magie du transformisme des acteurs n'opérant plus pour masquer l'indigence d'un scénario poussif et convenu (en même temps, je ne m'attendais pas à un thriller politique, l'histoire est derrière nous). La dernière scène de la pathétique conférence de presse est à la fois humiliante et émouvante pour cet homme, qu'il nous rend presque sympathique, mais qui n'avait manifestement rien à faire là. Une certaine forme de tendresse déplacée pour cet ultra-réac, un brin vulgaire et somme toute bas du front, qui a plongé son pays dans un énorme bourbier social et l'a fait haïr par la terre entière.

C'était donc l'histoire d'un mec, d'une simple initiale, un M. renversé pour une haine déversée, incapable de faire quoi que soit de sa vie et qui, pour provoquer et à la fois plaire à un père qui le prend pour une merde, se retrouve à la tête de son pays qu'il mènera à la ruine et au désaveu planétaire. Un arrière-goût shakespearien ou grec antique finalement...

Un destin tragique donc mais surtout un film ennuyeux. Tant de talents et d'énergie gaspillés pour un résultat autant soporifique et mou du genou sont très énervants. Un Good Bye bien trop complaisant. Les deux heures furent interminables et le générique de fin libérateur. C'est pas bon pour un film ça, No ?