mardi 8 mars 2011

Cinéma : Des Hommes et des Dieux - Xavier Beauvois

Il fallait le voir, je le vis donc.

Autant le dire en préambule, je n'ai absolument pas été touché par la grâce que dégage ce film dans les sphères intellos et cathos, pires, je me suis fait schmoutz durant la moitié du temps, la seconde étant réservée à l'indignation. Si nous avons là ce que le cinéma français possède de mieux en magasin en ce moment, nous sommes alors véritablement en train de patauger en pleine crise existentielle.

Sujet respectable, acteurs intouchables, mise en scène minimaliste, sobriété de rigueur... le réceptacle idéal de multiples Césars... objectif atteint. L'effet Cannes sans doute où il reçut le Grand Prix du Festival, ce qui n'a rien d'étonnant venant de ce rituel assommant.

Au-delà des récompenses qui ne regardent que ceux qui les octroient et leurs bénéficiaires, il y a tout de même de quoi se poser des questions sur la qualité cinématographique de ce poncif truffé de lieux communs aux relents colonialistes douteux mais il est vrai que religion et colonialisme ont toujours été étroitement liés :

"Partir, c'est mourir" ou bien "le berger n'abandonne pas ses moutons quand vient le loup"...

Tout le monde connaît le drame de 96 que retrace le film. Il s'agit bien d'un drame, non celui de la barbarie que peut véhiculer souvent la religion - ici celle locale et concurrente - bien que Beauvois reste très soft à ce niveau, mais celui de l'arrogante faiblesse des moines protagonistes qui se retrouvent perdus face à une situation qui les dépasse, sans repère véritablement sérieux dans une époque qui vacille.

Partira ? Partira pas ? Voilà le fil rouge du scénario. À la façon du "Douze hommes en colère" de Lumet, le vote du premier tour de table fait apparaître des avis partagés entre ceux qui désirent partir car prévoyant un suicide collectif, ceux qui ne savent pas où aller car déphasés et ceux qui n'ont aucun point de vue tant ils n'évaluent pas vraiment la situation. En fait, leur présence en ces lieux relevant de la Volonté Divine, certains ne vont pas chercher plus loin... Super ! Le moine est ainsi fait qu'il tient ses ordres de Dieu et qu'il est par définition dans son bon droit. Le moine est également croyant, toujours, et pratiquant, la moitié du temps et du film, ce qui contribue à plomber d'avantage le rythme du film, si cela était nécessaire.

J'avoue que mon anticléricalisme radical m'a rendu ce film insupportable tant il est ponctué et sur-ponctué de scènes liturgiques lassantes et lancinantes pour mieux nous faire sentir que ces hommes consacrent presque toute leur vie à prier, qu'ils sont hors du temps et de la tempête qui souffle à l'extérieur et qu'ils seront bien les victimes innocentes d'un dénouement dramatique qui tarde tant à venir... Il est vrai que Lambert Wilson chante fort bien et que Michael Lonsdale est particulièrement touchant en vieux médecin...

Tout cela est finalement très mou du genou, moyennement réalisé et peu émouvant, même si les acteurs sont bons, en regard du drame véritable que fut cet événement et, pour ma part, peu flatteur pour ces hommes indécis qui attendent sagement d'être sacrifiés. Maintes fois on ressent le désir de crier à l'unisson des autorités locales : "Mais bougez-vous bon sang, barrez-vous ailleurs où vous pourrez être tout aussi utiles plutôt que de prendre le risque de mourir ici…" Là où certains voient du courage, je ne vois qu'un sacrifice imbécile et inutile. Cette religion vénérant l'immolation et la souffrance du Christ, le dénouement ne pouvait pas être un happy end mais nous dépassons là le simple cadre du film.

Le mystère de la foi réside peut-être là, porter au pinacle une œuvre austère, très loin des standards bling-bling cinématographiques du moment. Cette sobriété aurait put être un gage de qualité si l'ensemble n'était pas tant maniéré dans sa retenue de tout. Quand l'ennui devient vertu l'argumentaire est superflu.