jeudi 30 avril 2009

Humeur : Le piratage, régulateur économique !

La loi HADOPI (la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet) non seulement ne réglera pas le fond du problème mais tente avant tout de protéger une industrie moribonde et ses marchands qui voient fondre inexorablement leurs profits, tel le cierge en offrande sur les autels clinquants de la culture mercantile et vulgaire.

Ceux qui évoquent la mort de la création connaissent-ils vraiment le sens de ce mot ? Le créateur créé, quoi qu'il arrive, c'est ainsi depuis toujours. Combien de peintres, de musiciens, de comédiens, ne vivent que pour leur art même s'ils en vivent mal. Il est relativement récent d'associer Succès, Fortune et Art. Les nouveaux marchands du Temple que sont les Producteurs, Managers et autres Agents de tout pelage sont là pour ça et entendent bien se battre pour conserver l'énorme privilège de s'engraisser sur la bête. De plus, quand un Christophe Willem ou un Pascal Obispo évoquent, à propos du piratage, la mort de la création artistique, je suis contraint de plonger ma main droite dans le hachoir à viande pour penser à autre chose et ne pas éclater de rire.

Il y a eu explosion de l'enrichissement des "artistes", du moins ceux qui en possèdent l'estampille médiatique. Ils vendent du rêve paraît-il, même si le rêve peut exhaler souvent une insupportable odeur. L'accès libre à certaines de ces "œuvres" mineures, voire minables, ne permet-il pas un ajustement mérité de leur valeur intrinsèque ?

"Oui, mais le succès d'un Willem permet de produire de jeunes inconnus..." Bien sûr ! Il devrait donc y avoir une farandole d'artistes de qualité sur les ondes, ce qui, bien évidemment, est loin d'être le cas. La masse vagissante des stations publicitaires NRJ, Fun Radio et autres Chérie FM, ne diffusent en boucle que ce pourquoi elles facturent leur temps d'antenne : des produits clonés, 100 % marketés, facilement repérables en têtes de gondole.

Le monde bouge et, avec lui, les modes de consommation et les prises de conscience face à des crises économiques et sociales à répétition. On acceptait de payer le rêve au prix cher quand le portefeuille le permettait. Malheureusement le mélange des ingrédients "technologie incontrôlable" et "paupérisation grandissante" fait monter une mayonnaise qui enfle planétairement et dont le contrôle s'avère sinon impossible du moins forcément dispendieux. Un budget que les "plaignants" seraient sans doute plus inspirés de placer ailleurs, dans la recherche de nouveaux modes de distributions. Quand l'on sait, concernant la musique, que les "artistes" ne perçoivent qu'un euro par CD vendu on est en droit de se demander s'ils ne sont pas télécommandés par leur maison de disque pour hurler avec les loups.

Le web est effectivement un véritable cauchemar pour les "producteurs" non seulement à cause des volumes de téléchargements actuels mais surtout parce qu'il représente un outil commercial formidable dans un monde où ils ne sont plus indispensables. Tout peut aller très vite avec ce nouvel outil et certains artistes avertis commencent à diffuser eux-mêmes leurs titres. De jeunes producteurs associent même les internautes au lancement de nouveaux talents. Certaines valeurs d'échange et de partage émergent enfin dans cette industrie gangrenée qui s'est goinfrée durant des décennies.

Le CD, objet palpable, a fait son temps. Il meurt et c'est normal. Aujourd'hui le numérique est partout et 100 CD tiennent sans peine dans le moindre lecteur Mp3 à la praticité incomparable. Le téléchargement légal, iTunes Store en tête, est en plein développement car il s'est adapté aux nouveaux modes de consommation : ne payer que les morceaux que l'on consomme vraiment. Exit le boîtier en plastique, le cellophane et le livret de paroles, aujourd'hui on emporte sa musique partout avec soi. Pourquoi Apple/iTunes fait de l'argent et Universal Music en perd-il ? Parce que Jobs a été le premier à avoir du pif et sentir le vent tourner, ce qui énerve tous les autres et les limite dans leur vision d'avenir. N'est pas visionnaire qui veut et la guerre ne fait que commencer.

Oui le téléchargement tue les Bénéf. des Major Compagnies mais il ne tue pas l'artiste authentique qui gagne sa vie en se produisant sur scène. Le Live est incomparable, irremplaçable, en tout cas incopiable. Comme la salle obscure l'est pour le DVD ou le Divx.

Aujourd'hui, il y a une forme d'indécence chez les acteurs de la sphère artistique à pleurer sur la chute de leurs revenus et sur une époque où ils s'en mettaient plein les fouilles. Si les CD tournent de moins en moins sur les platines, la roue, elle, tourne inexorablement et, semble-t-il, de plus en plus vite.