jeudi 30 septembre 2010

Humeur : C'est Marianne qu'on guillotine !

Liberté, Égalité, Fraternité, voilà un vocabulaire devenu indécent voire blasphématoire dans la bouche d'une partie grandissante de la population bien pensante de droite.

Afficher avec arrogance et cynisme son mépris des valeurs fondatrices de notre république c'est appartenir à l'équipe des "Winners" qui dessinent la France et le monde de demain. Accumuler du pognon au détriment de travailleurs précaires et terrorisés c'est s'afficher aux côtés des prédateurs cannibales et conquérants. Applaudir des quatre membres à l'expulsion d'Européens indésirables c'est oublier volontairement une histoire particulièrement nauséabonde et réhabiliter un dessein que l'on croyait terrassé. Remettre en cause de façon accélérée des acquis douloureusement obtenus depuis la dernière révolution, c'est jeter aux oubliettes les idées qu'elle engendra et en négliger le sens littéral qui est celui de la rotation et du retour. Des têtes tombèrent pour venger une injustice longuement subie, elles tomberont de nouveau, ce qui peut arriver de mieux en regard du délabrement en cours de notre système social et plus généralement des relations humaines.

Je me suis retrouvé récemment au centre du sempiternel débat concernant les différences entre la droite et la gauche. Cerné par deux représentants d'une droite pure je ne me suis vu opposer qu'un unique argument économique comme différence essentielle. État arbitre et libéral Vs état dirigiste et socialiste (si l'on veut bien considérer que le parti socialiste représente légitimement la gauche). Voilà la réduction ultime permettant à la droite de s'approprier les valeurs sociales faisant défaut. Affirmer que seul l'économique différencie Droite et Gauche voilà l'argument bancal par excellence car depuis des décennies, depuis le renforcement de l'union européenne, depuis cette diabolique mondialisation, la gestion des affaires de la France passe entre des mains différentes mais garde un cap relativement proche en tentant simplement d'éviter les écueils. Les enjeux ne dépendent pas des pouvoirs en places et il est aisé d'observer, à l'approche d'échéances électorales, des gouvernements de droite pratiquer une économie de gauche plus sociale et inversement. Non, les différences sont beaucoup plus manifestes et puisent leur origine aux sources de l'histoire humaine.

La lutte des classes chère à Marx n'est pas une simple vue de l'esprit, un vilain hochet que l'on agite pour effrayer l'enfant bourgeois capricieux. Elle existe depuis toujours, ou presque, reposant tout d'abord sur la grosseur du gourdin puis sur une répartition plus subtile des ressources et des pouvoirs au travers des différents ordres qui aboutirent à ceux du clergé, de la noblesse et du tiers état, ce dernier comptant tout le reste, la roture, du misérable paysan au bourgeois commerçant le plus gras. Ces mêmes bourgeois décidèrent de changer ce système d'ordres inique pour un autre plus équitable (rires), basé uniquement sur les classes, beaucoup plus harmonieux avec leurs propres valeurs dont celle essentielle de l'argent. L'argent devenait enfin le mètre étalon du pouvoir et il l'est encore aujourd'hui. Il suscite une absolue vénération et des temples très puissants entretiennent son culte planétaire.

N'en déplaise à Monsieur Bayrou et son "ni droite, ni gauche" qui piétine allègrement l'histoire dans un unique souci de récupération, des contrastes violents existent. Des millions d'hommes et de femmes sont morts tout au long des siècles pour tenter de rétablir un minimum d'égalité ou simplement ne pas crever de faim.

Quand la droite place l'économie au centre de tout et fait de l'homme son serviteur servile avec pour unique but le profit de quelques-uns, la gauche (la vraie gauche) place l'homme au centre de tout et fait de l'économie un outil à son service avec pour but le bien-être du plus grand nombre. L'homme de droite agit donc pour son bien seul (et celui de son cercle proche) tandis que l'homme de gauche agit pour la communauté. Voilà naïvement et grossièrement la répartition des 2 camps. Il y a bien sûr des exceptions et des nuances à ce constat mais globalement le camp choisi implique des choix politiques et des répercussions sur le milieu.

Aujourd'hui la devise Liberté, Égalité, Fraternité se voit amputée de ses deux derniers membres. Si le Français tolère plus ou moins bien une société de classes, s'il accepte globalement et historiquement que certains gagnent énormément d'argent tandis que d'autres tirent la langue en fin de mois, il refuse catégoriquement un retour à une société d'ordres, ses privilèges et sa justice multivitesses. C'est exactement ce qui est en train de se passer et c'est pour cela que la colère gagne du terrain. Le peuple doit être repris en main et seul un peuple apeuré est contrôlable. En brouillant les pistes Droite/Gauche, en creusant toujours d'avantage le fossé entre ceux qui possèdent et ceux qui n'ont rien, en faisant de l'argent une valeur quasi morale, en protégeant les puissants et en persécutant les plus faibles, nos gouvernants fragilisent la paix sociale. Il nous reste certes des libertés, celles de consommer du crédit et des programmes décérébrant ou bien encore celle de se pendre dans sa cave quand la douleur ou la misère est devenue intolérable. L’égalité est devenue une vieille belle idée, complètement décatie. Il suffit d'observer les mondes de l'école, du travail ou de la justice pour mesurer à quel point elle s'est vidée de son sens. Pour ce qui est de la fraternité, voilà le dernier mot à la mode, à la fois grossier et rigolo, que les bouches de droite goûtent comme une friandise...


Liberté, égalité, fraternité
, cela sonne comme une vieille comptine que l'on chante aux enfants pour les endormir.