vendredi 22 mai 2020

Mon père est mort

Mon père est mort hier après-midi, jeudi 21 mai 2020, jour de l’ascension. Drôle de date pour cet athée viscéral.

J’aimais cet homme, bon et généreux, curieux et rêveur, timide et taiseux. Lui, ce qu’il aimait c’était écrire, des poèmes essentiellement. Le voir dans son état presque végétatif, ces dernières années, me fendait le cœur et je ne l’ai sûrement pas assez visité dans sa bien triste chambre d’EHPAD. Lui qui aimait également tant lire en était totalement privé à cause de son hémiplégie et je reste persuadé qu’il a terriblement souffert de ce manque. Nous avons testé différentes solutions, tablette, livres audio… mais son cerveau épuisé après de nombreux AVC, ne lui permettait plus l’attention nécessaire. J’ai songé un moment mettre en place des visites régulières pour lui faire la lecture de ses nombreux poèmes et puis…

J’aime croire que son départ est une véritable évasion, une fuite face à cette torture intellectuelle subie depuis trop longtemps.

Je pense beaucoup à ma mère qui l’a aimé du premier au dernier jour, présente et attentionnée. Cette femme exceptionnelle, d’un optimisme inébranlable, forte et bienveillante, a toujours pris avec modestie et détermination tout ce que la vie lui offrait, le meilleur comme le pire. Même si elle est aujourd’hui totalement effondrée, désorientée, le regard triste et humide, et qu’il s’agit pour elle du premier jour du reste de sa vie, sans son amour, elle ne peut que se sentir libérée d’un poids bien trop lourd qui l’a lentement usée.

Nous ne nous sommes jamais dit « Je t’aime » avec mon père, du moins, je n’en ai aucun souvenir mais je parle peu, comme lui, et notre pudeur mal placée, nous a joué ce vilain tour, il est désormais trop tard. Pour atténuer ma peine je me dis que nous nous aimions sans nous le dire. 

Dans ces moments de flottement, le plus étrange, c’est de me dire que je ne le reverrai jamais.


Patrick

samedi 2 mai 2020

Ces jolis oiseaux bavards [2] : Humeur

Période passionnante et instructive que celle vécue depuis deux mois quand, à l’écoute et la lecture de la majorité des médias qui s’en font l’écho, nous prenons conscience de l’existence des nombreuses intelligences qui nous abreuvent quotidiennement de leurs si profondes analyses.

Notre pays compte aujourd’hui pas moins de vingt millions de médecins, d’épidémiologistes, de virologistes, de conseillers sanitaires, de politiques avisés, d’économistes éclairés, de journalistes pertinents,  d’aboyeurs d’avis de tous poils... Ce qui est certain, c’est qu’aucun d’eux n’auraient procédé tel qu’ont choisi de le faire les autorités et qu’il faudra bien tirer les leçons de ces errements et faire payer les responsables une fois que nous aurons anéanti ce virus comme une grosse bouse...

AU SECOURS !!!

Il est usuel désormais de donner la parole au bon peuple qui n’y connaît pas grand chose mais vit ce drame, comme chacun, avec stupéfaction. On peut voir ainsi défiler sur les plateaux, ou en visio-conférence, le restaurateur du quartier ou le petit entrepreneur provincial qui rajoutent des couches d’anxiété, si c’était nécessaire, à une ambiance délétère, tout en prodiguant aux autorités des conseils bricolés, souvent intéressés, dans un coin de leurs cerveaux affolés. Ce journalisme poujadiste, mis en place depuis le début de ce cataclysme mondial, incroyable porte-voix de tous les cafés du Commerce fermés par décret, ne cherche qu’à buzzer et flatter la croupe d’une France paniquée qui répète à l’unisson : «Tout de même, ce gouvernement fait n’importe quoi... moi je sais mieux que quiconque ce qu’il aurait fallu faire... ah ce Macron, ah ce Philippe...»

Toute humilité mise au placard, l’arrogance et la bêtise au fusil, chacun masque son angoisse derrière un discours bavard et inutile qui n’a d’autre vertu que celle de libérer celui qui le proclame. Ce discours est bien évidemment variable, voire contradictoire, au gré de l’actualité, de l’évolution des mesures annoncées et des connaissances acquises. Il devient de fait inaudible de par sa profusion et sa confusion. Comme dirait l’autre (?), il faut bien passer le temps et occuper les antennes devenues des exutoires nationaux.

Les partis politiques, les extrêmes en tête de gondole, certes dans leurs rôles, commencent à sortir du bois après un silence timide et reposant. Il est tellement facile de s’improviser politique ou stratège prévoyant, en cours de bataille quand on n’est pas aux manettes. Pitoyables ramasseurs de miettes et d’émotions, petits démagogues arrogants et haranguants, confinés et aigris, aveuglés par leur unique ambition ! La revanche politique est de retour, à peine masquée, pour tirer sur les ambulanciers. C’est proprement pitoyable que ce manque de courage et de propositions constructives. Les «il aurait fallut que...» et autres «ce n’est pas le temps de la polémique mais...» masquent à peine l’indigence de la pensée politique et médiatique du moment.

Est-il coupable d’envisager que nos dirigeants font au mieux pour naviguer dans cette terrible tempête qui a surpris la terre entière ? Qui peut croire un instant que la solution est évidente, que l’équilibre entre sauvegarde de la santé et maintien de l’économie est aisé ? « Gouverner c’est prévoir ! »... ce bel élément de langage répété à l’envi que jettent en pâture aux micros tendus ceux qui aimeraient tant gouverner justement mais qui se disent en même temps qu’il est préférable de rester à leur place, installés douillettement dans cette opposition confortable qui leur évite d’improviser parfois et faire des choix contestés quels qu’ils soient. Qu’on déteste ou pas Emanuel Macron, n’est pas encore venu le temps des procès.

Oui, on manque de tout... masques, tests, respirateurs, lits, personnels soignants... on manque également de mesure et de raison. Il est aisé de se comparer aux voisins plus prévoyants en occultant ceux qui font moins bien. Porter aux nues la gouvernance allemande, celle-ci reposant essentiellement sur un système politique différent, laissant aux régions (Landers), l’autonomie de la gestion sanitaire notamment, c’est mettre simplement en évidence les faiblesses de notre propre système mais ne doit pas condamner pour autant la gestion du gouvernement actuel. La pénurie semble remonter à 2011, suite à la crise H1N1 et à la gestion jugée disproportionnée de la ministre de la santé sarkozyste de l’époque, Roselyne Bachelot, ridiculisée par tout le monde et sans doute par les mêmes qui hurlent aujourd’hui à la carence. La condamnation purement comptable ignora totalement les résultats obtenus. Cette pénurie de 2020, n’est que la conclusion d’une approche économique qui entraîna, il y a presque dix ans, une suite de décisions et une chaîne de responsabilités diluées concernant ce «désarmement stratégique sanitaire». 

Certes, on peut reprocher au gouvernement, à juste titre, de bégayer depuis le début sur ce masque, symbole absolu de la crispation et noyau atomique de la critique. Autant les crises érigent des boucs émissaires autant elles ont besoin d’un contentieux partagé. Ce nouveau totem vénéré est devenu une véritable passion nationale, l’alpha et l’oméga de la protection alors qu’il n’est qu’un simple élément dans le dispositif général. Il semble que peu ont intégré le fait que ce bout de tissu ou de non-tissé ne protège pas celui qui le porte mais celui qui est en face. On observe donc des promeneurs masqués, évoluant au milieu de congénères insouciants, convaincus de leur sécurité derrière cette protection. Ce masque «salvateur», associé à un déconfinement attendu, peut s’avérer finalement être un bien minime pour un mal bien plus grand, libérant la circulation et les échanges au risque d’un relâchement des autres mesures de sécurité élémentaires et fondamentales.

Soixante pour cent des Français n’ont pas confiance dans le Gouvernement, semble-t-il, pour gérer cette crise, face aux différents atermoiements, revirements et soit-disants mensonges... Soixante pour cent des Français ont besoin qu’on les prenne par la main comme des enfants ayant perdu tout bon sens et faculté d’analyse. Prenons garde tout de même que la colère, péché capital paraît-il, ne guide désormais nos pensées et nos actes... elle pourrait s’avérer plus meurtrière que ce @#&# virus. Commençons par éviter de cracher au visage de ceux qui font quotidiennement des choix difficiles.