jeudi 13 octobre 2011

Humeur : l'Utopie est un gros mot

Ce matin aux infos, j'ai manqué m'étouffer avec mes céréales. Le Copé de service ne supporte décidément pas la démocratie quand le peuple en use. On peut se demander finalement s'il la tolère tout simplement.

Les primaires socialistes en cours le(s) rend malade(s) et ce n'est pourtant pas un exercice de haute voltige démocratique. Le gauchiste Montebourg (rires) est arrivé en troisième position derrière le duo Hollande/Aubry et se pose en "arbitre" (?) avec sa brouette d'exigences. Copé parle de lui comme d'un "Utopiste" et dans sa bouche en biais cela est une grossièreté. Hormis le fait que Montebourg est autant Utopiste que je suis Sarkosiste je trouve que Copé est une insulte à l'intelligence, une tâche nauséabonde dans le paysage politique, en fait un bien triste sire, étriqué et sans rêve. Non, je suis injuste, il a un doux rêve, la présidentielle de 2017... donc un type vraiment intéressant.

Utopie : nom féminin. De Utopia, mot créé par Thomas More, philosophe anglais du XVIe, du Grec ou-topos, en aucun lieu ou nulle part.
Sens premier : Construction imaginaire et rigoureuse d'une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre-idéal.
Sens second : Projet dont la réalisation est impossible.

Bien évidemment Copé préfère le second. Cette définition le rassure et fait peur à son électorat. Brrr, bâtir un avenir sur une utopie, quelle horreur et quelle perte de temps ! On n'est pas là pour rêver mais pour prendre le pouvoir. On n'est pas là pour réfléchir à un monde meilleur mais pour le plier à ses intérêts.

Platon, Aristote, Rabelais, Rousseau, Robespierre, pour ne citer qu'eux, doivent mesurer à quel point leur pensée ou leurs actions sont désormais quantité négligeable. Comment Copé imagine-t-il que nous vivons aujourd'hui dans un espace de liberté ? Parce que des Utopistes ont imaginé un monde meilleur et ont agi pour le mettre en pratique. Les dérapages qui s'ensuivirent sont d'autres débats mais l'utopie était à l'origine des pensées humanistes et des nombreuses révolutions qui ont marqué l'humanité. Plus près de nous, les "Liberté - Égalité - Fraternité" ne forment-ils pas une grande utopie après laquelle nous courrons depuis plus de deux siècles ?

La droite au pouvoir, qui a trop peur de le perdre, bien qu'après tout Copé serait assez satisfait que l'alternance se fasse pour augmenter ses chances en 2017, est une machine à broyer les rêves et elle ne s'en cache pas. L'utopie appartient aux faibles.

jeudi 6 octobre 2011

Humeur : Steve Jobs 1955-2011


J'ai appris la nouvelle ce matin au réveil, sur mon iPhone ! Comme l'a dit Obama "Il n'y a pas de plus bel hommage que de savoir qu'une grande partie du monde a appris son décès via un appareil qu'il a créé". J'ai alors ressenti un pincement au cœur, le ciel déjà gris s'est légèrement assombri et mes céréales n'avaient dès lors plus le même goût.

Je ne suis pas un idolâtre, loin de là et je m'en voudrais presque de cette sensiblerie… presque.

Je suis graphiste et le mac est mon outil de travail depuis plus de vingt ans. J'ai commencé ce métier à la main, c'est-à-dire, avec des Rotring et des feutres Pantone. J'en avais plein les doigts. J'étais un tâcheron sillonnant les allées des salons graphiques en bavant devant les palettes graphiques de plusieurs millions de francs. Dire que j'attendais une machine abordable qui me libère est un doux euphémisme et le Macintosh arriva, chargé de promesses, annonçant une révolution qui allait tout emporter dans les métiers du graphisme et de l'édition. Je lui ai toujours été reconnaissant et redevable d'avoir conçu et distribué cet outil formidable.

Jobs est un génie. On peut lui rapprocher son arrogance, son management tyrannique ou son ego, il demeure un génie. En plus d'avoir créé des produits innovant, aujourd'hui incontournables dans leur secteur, Apple est devenue une entreprise hors du commun économiquement, à la succes story littéralement magique. Cette année 2011, des résultats en hausse de 83% pour le chiffre d’affaires et de 95% pour les bénéfices. Elle devrait dépasser les 100 milliards de dollars de C.A. et entrer dans le top 15 mondial. Elle est même récemment passée première en terme de capitalisation boursière devant Exxon, qu'elle talonne finalement aux dernières nouvelles. Elle a amassé plus de 65 milliards de réserve de liquidité qui lui permettrait de racheter Facebook, eBay, Nokia et General Motors tout en gardant des réserves… Il y aurait des dizaines d'autres chiffres pour dessiner cette entreprise unique.

J'ai "grandi" avec Apple depuis la naissance du Macintosh en 1984 jusqu'au succès planétaire de l'Ipad. Attristé par l'éviction de son co-fondateur en 1985, j'ai vécu la longue période de déprime et de dégringolade de la firme, jusqu'en 1997, durant laquelle on la donna morte et son rachat annoncé des dizaines de fois. Entre-temps le père Jobs rachetait et développait les studios Pixar avant d'être finalement rappelé par Apple pour la sortir du trou. Il créa l'iMac (1998), l'iPod et iTunes (2001), l'iPhone (2007) et l'iPad (2010). Ce n'est plus hors du trou qu'elle se situe aujourd'hui mais bien au firmament des entreprises.

J'avoue posséder cinq Macintosh, un iPod, un iPhone et un iPad (accessoirement un PC VAIO par nécessité). Sans être un fan hystérique, j'affirme sans complexe, pour utiliser depuis longtemps les deux plateformes, que les outils sont incomparables en terme de puissance et d'ergonomie sans parler, bien évidemment, de design. Apple n'est pas exempte de défaut et les aficionados du PC lui reprochent ses faiblesses en terme de sécurité ou d'ouverture. Éternel débat qui ne peut gommer la force de "l'éco-système Apple" qui maîtrise l'ensemble de la chaîne matérielle et logicielle. Les utilisateurs PC ont toujours, et à tort, défini les "Mac users" comme des esclaves de leur machine mais c'est exactement du contraire qu'il s'agit. Nous n'avons de notre côté jamais (extrêmement rarement) eu besoin de les démonter et mettre les mains dans le moteur. À aucun moment je n'ai eu à me plaindre de ce soit-disant carcan car il m'a, au contraire, assuré une constante qualité et une réelle fiabilité dans ma vie professionnelle. Jobs a tourné le dos à l'informatique pour créer des instruments ludiques et performant, centrés sur la création et l'échange. À ce sujet, il est tout de même intéressant de constater qu'il faut une combinaison improbable de trois touches sur PC alors qu'une simple touche suffit sur Mac pour taper le symbole de l'époque : @

L'émotion éprouvée ce matin, bien que l'inéluctable issue fût connue depuis de nombreux mois, est à la mesure du plaisir simple ressenti à utiliser quotidiennement un appareil Apple. Elle est également directement liée à une histoire commune avec cet homme qui a été étroitement associé à ma vie professionnelle et qui n'a eu de cesse d'améliorer les outils et se projeter parfois très loin dans l'avenir. Sa force résida essentiellement à proposer des produits qu'il croyait bon, souvent à contre courant, et non des produits attendus par les clients au travers d'études de marché insipides. Il a toujours surpris en allant au-delà des demandes du marché. Aujourd'hui, devenu l'icône absolue de la création et de la modernité, il est l'unique chef d'entreprise à être pleuré comme une Rock Star.

Les génies sont suffisamment rares pour ne pas les saluer quand ils s'en vont. Ce texte m'a pris une demi-heure de mon temps. Comparé à celui qu'il m'a fait gagner depuis vingt ans, je me sens minable.

mardi 30 août 2011

Cinéma : La Planète des Singes, les Origines - Ruppert Wyatt

Dans un laboratoire, des chercheurs travaillent sur la maladie d'Alzheimer et expérimentent un nouveau traitement sur des chimpanzés. Malheureusement, malgré des résultats prometteurs, la substance utilisée augmentant de façon radicale l'activité cérébrale des sujets, la présentation des résultats aux actionnaires tourne mal. L'une des femelles, soudainement devenue hystérique et violente, s'échappe du laboratoire et sème la panique dans tout l'édifice. Les recherches sont abandonnées et le cheptel est abattu. Le chercheur responsable découvre alors un bébé caché dans l'une des cages, cause du comportement agressif de la mère, et décide de le sauver en le ramenant chez lui. Son père, atteint par la maladie à un stade avancé, trouve chez César un compagnon quotidien. Le jeune singe fait rapidement preuve d'une intelligence hors du commun et il grandit tranquillement dans cette maison accueillante jusqu'au jour où un incident regrettable le conduira dans un établissement spécialisé, parmi d'autres congénères, encagés, sous les brimades de gardiens pervers. S'estimant trahi par les hommes il fomentera la révolte de son espèce dans un affrontement final spectaculaire.

J'ai adoré. De toute façon j'adore ce genre de délire. Outre le scénario, simpliste mais bien ficelé et la qualité des finitions, l'émotion est présente dans de nombreuses scènes à travers la gestuelle et le regard troublant et pénétrant de ce Spartacus simiesque.

Il s'agit de l'adaptation d'un grand roman de science-fiction de Franklin J. Schaffner de 1968, lui-même adapté des romans de Pierre Boule. Cette fable philosophique, place l'homme face à sa relation et ses devoirs envers les espèces (les races ?) dominées, traite de son dédain et de son arrogance trop souvent affichés qui entraînent généralement révolte et vengeance. Ces poncifs maintes fois rabâchés trouvent ici une expression passionnante et poignante grâce aux effets spéciaux magistraux (WETA, studios oscarisés pour Avatar) qui permettent aux singes sous-hommes, d'afficher toutes une palette de sentiments, de l'amour à la rage en passant par la peur ou la joie...

Bluffant et troublant.

samedi 30 juillet 2011

Cinéma : Lourdes - Jessica Hausner

Décidément, je dois avoir un véritable problème avec les films qui parlent du Petit Jésus ou de sa bande. Il semble que je sois attiré par le sujet et, en même temps, fort prompt au dégommage. Oui, mais il y a de quoi...

Lourdes ! Est-il nécessaire d'user d'un jeu de mot facile pour décrire les 109 minutes affligeantes qu'il m'a fallu endurer pour parvenir au bout de cette soporifique entreprise ?

Avant toute chose, chapeau de s'être attaqué à ce sujet délicat qui ne peut basculer, au choix selon la culture du réalisateur, que vers la comédie grasse et lourdingue ou le pensum prosélytiste. Ici nous avons droit seulement à un ennui continu, la réalisatrice étant autrichienne mais je ne vois pas le rapport...

Petit résumé : Christine (Sylvie Testud) est en fauteuil roulant depuis pratiquement toujours. Ce séjour à Lourdes représente pour elle une sortie, un moyen d'échapper à un quotidien terne et rencontrer d'autres humains. Le groupe auquel elle appartient est encadré par de jeunes bénévoles de l'Ordre de Malte, dont la responsable, l'inquiétante et évanescente Sœur Cécile, sera évacuée à l'hôpital suite à un grave malaise. Au pays des miracles voilà qui fait désordre et représente le point comique et satirique culminant de l'œuvre. Christine s'offre la totale : bains, bénédiction, procession dans la célèbre grotte de cette chère Bernadette, cierge énorme, magnifique et forcément phallique... Sans vraiment trop y croire, jouant d'avantage les touristes que les grenouilles, Christine se lève finalement un beau matin, miraculeusement guérie. Tout d'abord applaudie et respectée, elle devient vite la cible des rancœurs et autres jalousies. Pourquoi elle, qui vient ici pour la première fois ? Christine entend alors rattraper le temps perdu et rêve d'amour, de travail, de famille... repartir à zéro, un des jeunes bénévoles semble d'ailleurs s'intéresser à elle (pourtant elle est habillée comme un sac)...

Bien ! C'est (volontairement ?) mal filmé, terne et sans chaleur ni contraste. Les plans, les cadrages, les mouvements de caméra sont minimalisés au maximum comme si l'économie de moyen était raccord avec le sujet, il semblerait que ce soit le cas (cf "Des hommes et des Dieux"). Lourdes est pourtant tout le contraire, sa vulgarité mercantile et ses opulentes boutiques de souvenirs, ses monuments et décors religieux pompeux qui font parfois penser à DisneyLand, sa foule colorée qui se presse calmement vers les lieux de culte et d'adoration... Tout cela a été gommé, délavé, terni et filmé à la façon d'un médecin légiste. Les dialogues sont rares et plats. Seules les explications fumeuses et embarrassée du curé de service pourront soutirer quelque sourire entendu aux athées anticléricaux dont je suis.

Aucune émotion, une totale inaction, un ennui profond... que le calvaire fut long. Où se rendait Jessica Hausner et pourquoi ce film ? Telle est la question. Une énorme chape de mollesse plombe littéralement la réalisation et l'argument et il est difficile d'y voir la moindre satire, comme on peut le lire dans la presse critique, Lourdes étant déjà en soi une parodie de la foi(re) chrétienne. Il suffit de planter sa caméra dans cette ville pour que se révèlent aussitôt les travers et les outrances de cette religion. Les caméras de surveillance devraient être en mesure de nous en apprendre d'avantage.

Reste que la Testud est épatante dans ce rôle de tétraplégique où l'expression du visage passe bien avant les dialogues, pratiquement inexistants et insipides.

vendredi 22 juillet 2011

Humeur : Le Râle Fatal du Provincial


Nous avions pensé : " Les enfants grandissent et entrent dans l'adolescence. Ce serait bien de quitter notre charmant cottage Tarn-et-Garonnais pour rejoindre la capitale où ils pourraient s'épanouir culturellement. Un retour aux sources et un rapprochement d'une partie de la famille..." Nous adorons Paris et nous y sentons bien.

Nous l'avions pensé tellement fort que nous avions mis en branle, deux ans en arrière, le processus infernal du déménagement. Passer d'une maison très spacieuse et ses dépendances, à un appartement parisien même confortable, relève d'avantage du chausse-pied que du changement de déco. Joëlle avait retrouvé son employeur parisien, quitté treize ans auparavant, les enfants étaient inscrits chacun dans un collège comme il faut, les cartons s'empilaient tranquillement dans le grand atelier... tout s'agençait harmonieusement. Nous partîmes donc, la fleur à la boutonnière, pour deux semaines de recherches et de visites.

Prise de rendez-vous à la chaîne les dix jours précédents, préparation d'un dossier complet de pièces justifiant notre contribuable position... nous étions gonflés à bloc car nous savions que ce ne serait pas simple, en si peu de temps, de trouver notre futur Sweet Home que nous souhaitions intégrer vers la mi-août, nous étions début juillet... 45 jours ? Jouable.

UNE GALÈRE EXCEPTIONNELLE !

Pour faire court, nous sommes contraints, momentanément de rester dans notre trou, qui, même s'il est bucolique, confortable, spacieux, stylé,... je passe sur les qualificatifs qui font dire à certains que nous sommes cinglés de quitter ce paradis pour la ville qui pue... il n'en demeure pas moins que c'est un trou.

Pour développer un peu, sur Paris l'offre est importante et de qualité. La demande, elle, est au minimum vingt fois supérieure et d'un niveau certain... en tout cas elle répond à certains critères très recherchés que nous ne possédons visiblement pas. Un très cher ami, travaillant pour un réseau international d'agences immobilières m'a clairement confirmé ce que certains professionnels rencontrés nous avaient déjà expliqué. Le marché de l'immobilier parisien est devenu fou il y a une dizaine d'années et particulièrement ces deux dernières. Le profil idéal du locataire parisien : couple de fonctionnaires, relativement âgés et argentés. Il semble que Paris devienne de plus en plus une "ville de vieux". Un propriétaire préférera ne pas louer que de prendre le moindre risque. Heureusement pour eux la demande progresse et ce sont jusqu'à cinquante dossiers par appartement qui s'amoncellent sur les bureaux des agences. Une forme de liste d'attente dont on satisfait, au compte-gouttes, les dossiers qui offrent les meilleures garanties. La plupart des annonces ne paraissent même plus dans la presse ou sur internet, trop de perte de temps en visites, alors que les candidats se bousculent et qu'il n'y a qu'à piocher dans le haut de la pile...

Tout cela est parfaitement logique. Mon statut d'indépendant est un frein évident, même si certains s'en cachent, et à moins d'être inscrit à l'un des Ordres prestigieux et gagner beaucoup plus d'argent que ce qui est demandé d'ordinaire à un fonctionnaire, je n'avais visiblement pas le profil demandé. Bien souvent, il ne s'agissait même plus de moyens mais bien de statut.

Combien de fois nous a-t-on aiguillés sur la banlieue ? Certes... mais non. Nous avions vécu de nombreuses années dans Paris intra-muros, poussant le luxe jusqu'à aller travailler à pieds. Nous ne nous voyions pas abandonner une qualité de vie qui est la nôtre actuellement pour supporter les contraintes multiples d'une vie banlieusarde sans les nombreux avantages qu'offre Paris. Nos deux petits ont grandi en pleine nature et nous souhaitions leur simplifier la ville au maximum.


Nous nous sommes donc heurtés à un mur et nous ne voyons aujourd'hui aucune solution "normale" pour redevenir locataire à Paris. Nous resterons donc provisoirement propriétaires à Meauzac. Nous attendrons l'occasion favorable, le bon plan, la rencontre opportune ou le coup de main salvateur. Le projet est juste placé entre parenthèses.

Toute cette aventure affligeante nous aura permis de redescendre un peu sur terre en nous confrontant à la vraie vie. Une bonne claque n'a jamais fait de mal à personne.

mardi 8 mars 2011

Cinéma : Des Hommes et des Dieux - Xavier Beauvois

Il fallait le voir, je le vis donc.

Autant le dire en préambule, je n'ai absolument pas été touché par la grâce que dégage ce film dans les sphères intellos et cathos, pires, je me suis fait schmoutz durant la moitié du temps, la seconde étant réservée à l'indignation. Si nous avons là ce que le cinéma français possède de mieux en magasin en ce moment, nous sommes alors véritablement en train de patauger en pleine crise existentielle.

Sujet respectable, acteurs intouchables, mise en scène minimaliste, sobriété de rigueur... le réceptacle idéal de multiples Césars... objectif atteint. L'effet Cannes sans doute où il reçut le Grand Prix du Festival, ce qui n'a rien d'étonnant venant de ce rituel assommant.

Au-delà des récompenses qui ne regardent que ceux qui les octroient et leurs bénéficiaires, il y a tout de même de quoi se poser des questions sur la qualité cinématographique de ce poncif truffé de lieux communs aux relents colonialistes douteux mais il est vrai que religion et colonialisme ont toujours été étroitement liés :

"Partir, c'est mourir" ou bien "le berger n'abandonne pas ses moutons quand vient le loup"...

Tout le monde connaît le drame de 96 que retrace le film. Il s'agit bien d'un drame, non celui de la barbarie que peut véhiculer souvent la religion - ici celle locale et concurrente - bien que Beauvois reste très soft à ce niveau, mais celui de l'arrogante faiblesse des moines protagonistes qui se retrouvent perdus face à une situation qui les dépasse, sans repère véritablement sérieux dans une époque qui vacille.

Partira ? Partira pas ? Voilà le fil rouge du scénario. À la façon du "Douze hommes en colère" de Lumet, le vote du premier tour de table fait apparaître des avis partagés entre ceux qui désirent partir car prévoyant un suicide collectif, ceux qui ne savent pas où aller car déphasés et ceux qui n'ont aucun point de vue tant ils n'évaluent pas vraiment la situation. En fait, leur présence en ces lieux relevant de la Volonté Divine, certains ne vont pas chercher plus loin... Super ! Le moine est ainsi fait qu'il tient ses ordres de Dieu et qu'il est par définition dans son bon droit. Le moine est également croyant, toujours, et pratiquant, la moitié du temps et du film, ce qui contribue à plomber d'avantage le rythme du film, si cela était nécessaire.

J'avoue que mon anticléricalisme radical m'a rendu ce film insupportable tant il est ponctué et sur-ponctué de scènes liturgiques lassantes et lancinantes pour mieux nous faire sentir que ces hommes consacrent presque toute leur vie à prier, qu'ils sont hors du temps et de la tempête qui souffle à l'extérieur et qu'ils seront bien les victimes innocentes d'un dénouement dramatique qui tarde tant à venir... Il est vrai que Lambert Wilson chante fort bien et que Michael Lonsdale est particulièrement touchant en vieux médecin...

Tout cela est finalement très mou du genou, moyennement réalisé et peu émouvant, même si les acteurs sont bons, en regard du drame véritable que fut cet événement et, pour ma part, peu flatteur pour ces hommes indécis qui attendent sagement d'être sacrifiés. Maintes fois on ressent le désir de crier à l'unisson des autorités locales : "Mais bougez-vous bon sang, barrez-vous ailleurs où vous pourrez être tout aussi utiles plutôt que de prendre le risque de mourir ici…" Là où certains voient du courage, je ne vois qu'un sacrifice imbécile et inutile. Cette religion vénérant l'immolation et la souffrance du Christ, le dénouement ne pouvait pas être un happy end mais nous dépassons là le simple cadre du film.

Le mystère de la foi réside peut-être là, porter au pinacle une œuvre austère, très loin des standards bling-bling cinématographiques du moment. Cette sobriété aurait put être un gage de qualité si l'ensemble n'était pas tant maniéré dans sa retenue de tout. Quand l'ennui devient vertu l'argumentaire est superflu.