mercredi 24 décembre 2008

Film : Transformers - Michael Bay

Je vais encore passer pour l'adolescent de service avec mes goûts infantiles et mon penchant pour les blockbusters pop-corn. J'avoue, sans l'ombre d'aucune gêne, apprécier ce type de cinéma lorsqu'il est réalisé avec talent. Ce qui, bien évidemment, est le cas de Transformers que je viens de revoir avec un plaisir non simulé. Ce qui suit est donc interdit aux lecteurs réunis de Télérama, du Nouvel Obs, des Inrockuptibles et des Cahiers du Cinéma...

Allez, c'est parti pour le pitch.

Une guerre sans merci oppose depuis des temps immémoriaux deux races de robots extraterrestres : les Autobots et les cruels Decepticons. Son enjeu : la maîtrise de l'univers...
Dans les premières années du 21ème siècle, le conflit s'étend à la Terre, et le jeune Sam Witwicky devient, à son insu, l'ultime espoir de l'humanité. Semblable à des milliers d'adolescents, Sam n'a connu que les soucis de son âge : le lycée, les amis, les voitures, les filles...
Entraîné avec sa nouvelle copine, Mikaela, au cœur d'un mortel affrontement, il ne tardera pas à comprendre le sens de la devise de la famille Witwicky : "Sans sacrifice, point de victoire !"

C'est franchement crétin, il n'y a aucun doute là-dessus et sent le marketing réchauffé pour une licence Hasbro tombée en désuétude... mais la réalisation est à ce point maîtrisée dans sa démesure que l'ensemble en devient totalement bluffant et, par moments, franchement épique. On peut éventuellement se sentir soulagé lorsque le film arrive à son terme tant les flux d'images et de décibels sont torrentiels.

Micheal Bay est lui-même un grand ado exalté, il suffit de visionner l'ensemble des bonus (encore supérieurs au film) pour s'en rendre compte. 135 millions de dollars, certes, permettent de jouer confortablement avec les caméras, les cascades et autres FX mais on ne peut nier un réel savoir-faire pour donner vie et âme à ces mécaniques géantes et leur insuffler suffisamment d'énergie pour nous tenir en haleine durant presque deux heures trente.

Du vrai cinéma diront certains, du cinéma au sens propre du terme avec ce que cela comporte de magique et de mouvementé. Du cinéma populaire, n'en déplaise aux intellos ayant vieillis trop vite, qui procure l'évasion et le plaisir en refusant de placer l'intelligence ou pire, la culture comme système de sélection et d'élitisme. Je ne pourrai que toujours défendre ce cinéma futile et superficiel voire épicurien et hédoniste. C'était sa vocation première, amuser et étonner les foules... quand ils observent la production cannoise aujourd'hui, les deux frères lyonnais doivent se retourner dans leur tombeau.

lundi 22 décembre 2008

Humeur : Delord, Monsignore !

Le Sieur Delord est encore jeune, du côté des trente-cinquième rugissants. Certains le disent brillant et il possède la classe naturelle des business-prédateurs. Il ne jouit pas encore du titre de Calife mais il crapahute l'animal, il en veut et il l'aura. Il gravit les échelons comme il est monté à la capitale, quittant une entreprise importante bien que ringarde et une province où il fait bon vivre bien qu'étriquée. C'est qu'il a soif de hauteurs et d'espace le bel oiseau. Il a le regard perçant du rapace... verrouillage de cible et piqué fulgurant. Il semble déjà évident que la simple Direction Nationale ne suffira pas à combler son plan de carrière. Décollage programmé vers l'Objectif International qui, dans le cas présent, se situe en Suisse et ensuite, qui sait, pourquoi pas l'Univers voire au-delà...

Il en va de l'arrivisme comme de n'importe quel alcaloïde basique, dépendance liée à l'insatiabilité mais aussi irritabilité teintée de paranoïa. Arrogant et pressé, il estime que tout ce qui est sous lui est corvéable et dérisoire et que ce qui est au dessus le sera sous peu. Son management est terroriste. Divisant et menaçant, parfois hystérique, il a détruit l'esprit "corporate" et fédérateur tout en prétendant le renforcer, aidé en cela par un contexte économique qui favorise, sinon l'attachement aux valeurs, du moins le mutisme des employés circonspects. Absolument personne, dans cette entreprise "modèle", ne sait ce que demain sera, chacun ayant le pénible sentiment d'être assis quotidiennement sur un siège éjectable. Les plus audacieux et surtout les plus chanceux ont déjà quitté les lieux pour d'autres horizons moins stressants.

Il règne dans cette entreprise de voyages, censée vendre du rêve, une ambiance glaciale où la délation est une règle et l'initiative un péché, malgré les beaux discours sur l'implication, la motivation, l'esprit de décision, poil au fion...

Intimement convaincu qu'il faut être craint pour être respecté et qu'il est nécessaire de diviser pour régner, il aime brosser ses brebis soumises dans le sens du poil mais ce qu'il préfère, c'est leur gesticulation affolée dès les ordres émis, surtout quand les délais d'exécution sont réduits à néant. Sans doute considère-t-il qu'en de-ça d'un certain niveau, la vie doit être un enfer, une punition supplémentaire pour toute cette masse laborieuse et dépendante qu'il surplombe. Ce management d'un autre âge ne peut être que l'aveu d'un profond manque de confiance en soi, résultant d'un ensemble de frustrations sévères. Brillant mais un poil névrotique le lascar et, au bout du compte, parfaitement imbuvable. Il fait trembler les étages et l'on s'esquive ou l'on s'aplatit sur son passage selon l'ambition de chacun. Si j'étais son supérieur hiérarchique je me prescrirais des antidépresseurs tout en ajustant mon casque lourd. Bref, il commence à se faire une sale réputation dans le milieu et je ne suis pas fâché que ma collaboration avec ses services prenne fin, enfin. J'adore mon métier et jamais il n'avait été une corvée jusqu'à ce que ma route croise celle de cet agité antipathique.

Au-delà de cette affligeante aventure personnelle, qui n'est rien en regard de ce qu'endurent les salariés piégés de cette entreprise, je me posais moult questions sur les différentes formes de management en 2008. Qu'en est-il des managements basés sur "les opérationnels", "les experts", "les réseaux", "l'organisation" ou encore "les ressources". Ne demeure-t-il pas aujourd'hui uniquement celui des "actionnaires" ? Où sont parties se terrer Lutte-des-Classes et Énergie-Contestataire ? À l'heure où tout semble s'effriter et où chacun s'accroche à son maigre emploi avec l'énergie du désespoir, qu'en est-il de la déontologie patronale (j'ai dit un gros mot ?) et de l'adhésion salariale aux valeurs de l'entreprise ? Quelles pensées circulent dans les méandres alambiqués des cervelles endormies de ces travailleurs qui se lèvent tôt pour s'entasser dans les RER et les métros pour être déposés chaque jour devant leur pointeuse implacable ? Craignent-ils pour leur proche avenir, ont-ils de plus en plus le sentiment de demander l'aumône, se sentent-ils exponentiellement fragilisés au centre du face à face déséquilibré Décideurs-Syndicats (pour ceux qui ont la maigre chance d'être équipé d'un syndicat en état de marche) ? Quelles pensées habitent les Grands Patrons en cette fin d'année 2008, quels leviers sont actionnés et quels prétextes sont avoués pour dégraisser d'un côté et engraisser de l'autre. Même si quelques nuages obscurcissent momentanément le ciel, il fait toujours beau à Grand Capital Land, les habitants y sont beaux, bronzés et souriants tandis qu'en bas des remparts, l'armée des gueux se regroupe, enflant chaque jour d'avantage…

Franchement, je ne vois pas d'autre issue que de prendre le château pour abattre ce nouvel ordre inique et redistribuer une partie des récoltes spoliées.