lundi 24 novembre 2008

Film : Ben X - Nic Balthazar

"L'important... c'est le courage"

Ben, ("je suis" en flamand), est un adolescent atteint du syndrome d'Asperger, un autisme dit de "haut niveau" qui lui a permis de développer une expertise hors-norme dans un domaine très particulier, l'informatique et le jeu vidéo Archlord (à l'instar de Lisbeth Salander l'héroïne hackeuse de la trilogie Millenium). Complètement asocial mais brillant intellectuellement, il suit une scolarité pourtant normale sinon qu'il est l'objet d'un harcèlement moral quotidien de la part de deux élèves de sa classe. Autant il est un champion sans égal dans son monde virtuel autant il est totalement inadapté au monde réel avec lequel il ne communique pratiquement pas du tout. Le monde est ainsi divisé en deux pour Ben. D'un côté, le cocon de sa chambre, sa quête chevaleresque et son amour pour Scarlite la guerrière et compagne de jeu et puis, le reste du monde, l'agression sonore urbaine et verbale des autres lycéens et humains en général. Ce harcèlement va devenir bientôt physique jusqu'à atteindre l'insupportable, parents et institutions étant incapables d'agir pour le protéger. Alors qu'il décide d'en finir définitivement avec son douloureux quotidien, la mystérieuse Scarlite entre dans sa vraie vie...

On peut imaginer ce qu'une production américaine aurait fait d'un tel sujet. Le héros, lassé des brimades, recouvre enfin le courage et la force légendaires de son avatar et met une méchante trempe aux collègues qui lui pourrissent la vie. Nic Balthazar choisit d'attaquer le problème complètement différemment et surtout, plus finement. Nous suivons le cheminement de Ben, constamment perdu entre le virtuel et le réel. Balthazar transforme continuellement la réalité perçu par l'adolescent à travers le prisme de ses habitudes virtuelles. La ville devient un écran de jeu, ses agresseurs de vilains trolls qu'il imagine fendre en deux de son sabre sanglant... Le parallèle étant renforcé par une B.O. de musique électronique, dédiée à ce type de jeux, comme Sigur Ros, Eus ou Praga Khan. Une réussite visuelle tenant aussi au fait que les parties "jouées" sont issus directement des graphismes du jeu existant Codesmarsters Archlords, jeux en réseau massivement multijoueurs (ou MMORPG), que l'auteur semble avoir particulièrement étudié dans ses moindres recoins. Le "X" de Ben X signifiant d'ailleurs la mort, le Game Over d'un personnage. Quant à la parabole finale, elle est magnifique...

Nic Balthazar, ancien critique de cinéma et de théâtre flamand s'est inspiré d'un fait réel : le suicide d'un jeune autiste harcelé à mort par des camarades de classe. Fortement ému par la détresse de la mère de la victime, il écrira un roman "Il ne disait rien du tout" puis un court-métrage où l'on retrouve déjà une partie du casting de Ben X, le long-métrage étant la dernière étape de l'histoire. Nous sommes ici au-delà d'un simple film passionnant. Après sa sortie en Belgique (et son succès fracassant), le film est littéralement devenu un objet d'étude pédagogique, projeté et analysé en classe. En France, même s'il ne rentre pas directement dans le cadre des programmes de l'Éducation Nationale, l'ambition et le foisonnement des thèmes abordés : l'autisme et la différence, le mal-être et le suicide des ados, l'importante des images et des nouvelles technologies, ont fait l'objet de différents dossiers d'accompagnements pédagogiques.

Un film brillant à tous les étages et incommodant parfois, au niveau du montage et de la bande-son, car vu à travers les yeux de son héros angoissé.
Un univers déroutant, insolite comme celui de Darren Aronofsky ("Pi" ou "Requiem for a Dream").
Une œuvre magnétique et bouleversante, à voir absolument (en Flamand, bien sûr).

"La fin d'une chose est le commencement d'une autre"

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