jeudi 23 octobre 2008

Film : We feed the world - Erwin Wangenhofer

"Le marché de la faim" : documentaire allemand sur le racket exponentiel des industries agroalimentaires.

Sujet inépuisable, contrairement aux ressources planétaires, où une petite sélection de faits aberrants nous est proposée, avec, cerise sur le gâteau, la vision cynique et caricaturale du président de Nestlé.

Nous étions persuadés que le monde marchait sur la tête ? Pas du tout, en fait. Les règles mises en place obéissent à une loi très simple: l'augmentation toujours plus forte, à court terme, des profits financiers des Grands Groupes qui se sont partagé la planète. Sinon quel sens y aurait-il à jeter à la benne des milliers de tonnes de pain frais chaque année, d'épuiser avec un tel rendement et une telle efficacité les ressources de la mer, de polluer toujours plus en transportant sur des milliers de kilomètres des légumes que l'on pourrait trouver à sa porte, de déboiser la forêt amazonienne pour y planter du soja ?

Pourquoi les États-Unis et l'Europe subventionnent-ils leur agro-industrie et privent ainsi de travail les petits paysans du sud ? Par exemple, les marchés de Dakar regorgent de fruits et légumes venant d’Europe, vendus moins chers que les productions locales, affamant ainsi les paysans du cru qui n'ont d'autre solution que de passer le détroit de Gibraltar, au risque de leur vie, pour aller vivre et travailler comme des esclaves dans les grandes serres d'Almeria, au sud de l'Espagne... dont les produits repartiront vers l'Afrique.

Qui inonde les terres agricoles de semences hybrides (utilisables une seule fois) en vue de productions génétiquement modifiées pour accroître les rendements ? Les Pionneer (numéro un mondial) et autres Monsanto (et non, ce n'est pas lui le numéro un, il y a pire) appauvrissant les sols en rendant dépendants les agriculteurs...

Nous déboisons la forêt amazonienne pour y planter du soja qui servira à nourrir nos poulets européens. Dans le même temps, nous utilisons nos hectares de maïs pour produire de l'électricité en le brûlant. À ce sujet joli petit reportage sur la vie et l'œuvre de nos poulets industriels, de l'incubation des œufs jusqu'à la mise en barquette en passant par la chaîne d'abattage et de découpage. C'est sobre, clinique, hallucinant. Il existe en fait des mecs qui inventent des machines infernales pour découper les poulets en six morceaux, tout en triant les abats, automatiquement. Non, en fait tout n'est pas automatisé... pour mettre le petit élastique jaune qui tient les papattes arrières, là, c'est un cosmonaute qui s'y colle, le bureau d'étude planche encore... pas facile, facile comme challenge robotique...

Autrichien quinquagénaire, argenté et bronzé aux UV, Peter Brabeck, Président de Nestlé, est plutôt fier lorsqu'il se présente : premier groupe alimentaire, 27e entreprise mondiale, 65 milliards de dollars de chiffre d'affaire, 275 000 "collaborateurs" directs et 4,5 millions de personnes "dépendantes"... ce qui justifie tout à ces yeux comme de traiter d'extrémistes ceux qui considèrent que tout homme doit pouvoir avoir accès à l'eau potable en la nationalisant, alors qu'il estime, de son côté, que tout a une valeur marchande, l'eau comme le reste, Nestlé étant le premier distributeur d'eau minérale. Très fort également lorsqu'il affirme que la consommation d’OGM n'a provoqué aucune nouvelle maladie aux USA depuis 15 ans et que l'Europe est hypocrite avec ses combats d'arrière-garde, contre les OGM et en faveur du bio qui n'est pas meilleur, en fait. Il ne dit pas pourquoi mais le bio n'est pas meilleur, c'est comme ça !
Un monsieur très sympathique et pas subjectif pour un sou.

Aujourd'hui la production mondiale peut subvenir aux besoins de douze milliards d'être humains. Meurent de faim, cent mille personnes chaque jour et un enfant de moins de dix ans toutes les cinq secondes. Selon l'O.N.U, fournisseur de chiffres et de rapports en tous genres mais visiblement impuissant, il s'agit bien là d'assassinats, tout simplement.

Le film n'est pas un scoop, il ne condamne pas ouvertement, il étale simplement un peu la merde et nous met face à notre impuissance, pour être sympa et à notre indifférence pour être plus juste.

Commentaire personnel : Nous avons, en fait, un vrai pouvoir que notre conformisme et notre paresse nous masquent. Avons-nous, par exemple, besoin de tomates et de fraises à Noël ? Il existe des solutions accessibles à la plupart, comme par exemple, les AMAP (Associations pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne) qui permettent d'acheter directement aux producteurs. Ce principe existe pour toutes les denrées alimentaires, fruits, légumes, laitages, viandes, poissons... Ne pouvons-nous pas préférer les marchés aux grandes surfaces, beaucoup plus contraignants certes mais plus agréable et pas forcément plus onéreux à qualité égale, il s'entend.

Des solutions existent pour tenter de freiner la voracité galopante du lobby agroalimentaire et si ce n'est pas nous qui le faisons, humains responsables des pays riches, qui le fera à notre place ?

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