jeudi 29 janvier 2009

Humeur : Aïe, ma vieux-connite aiguë me relance !

Récemment je me suis trouvé confronté à un problème existentiel plutôt nouveau et particulièrement douloureux. : le choc intergénérationnel. En fait je l'avais déjà vécu mais dans l'autre sens. J'étais alors dans le rôle du "jeune" face à l'incompréhension des "vieux". J'aurais dû voir venir, c'était prévisible et incontournable. Je croyais m'y être préparé, virtuellement en tout cas, car l'on sait que la roue tourne inexorablement et donc, on y pense fatalement de temps à autres. Mais au final, rien ne vaut le vécu et pour le coup, il fit mal.

J'ai donc quelques "amis" dans mon entourage qui sont deux fois plus jeunes que moi. Ils ont dans les vingt-cinq ans, j'en affiche le double. Nous nous entendons plutôt bien et partageons, avec certains, des goûts assez proches, dans le cinéma notamment. Au point que certains, travaillant vaguement dans le milieu des images et connaissant mes goûts pour le cinéma et l'écriture, m'avaient commandé un scénario de court-métrage. Je sautais à pieds joints sur la demande et m'y consacrais, presque toute affaire cessante, pour le plaisir du challenge, n'en ayant jamais écrit. Une dizaine de synopsis fut rapidement soumise et le scénario retenu fut rendu le mois suivant. Excitation générale, réécritures multiples, soumission du texte à un cercle plus large, mise en place de la production, recherche d'une équipe technique, casting, repérage,.. l'enchaînement rapide et infernal dans une totale excitation.

Le film s'est finalement tourné, en plusieurs périodes, avec ses désistements nombreux, ses incidents divers, ses péripéties cocasses et une bonne humeur générale et vivifiante. Il est actuellement en phase de postproduction et c'est ici, que semble-t-il, j'ai contracté une vieux-connite aiguë.

Elle date de six mois après la fin du tournage, période au cours de laquelle, j'ai "agressé" mes petits camarades parce que selon moi, le montage traînait en longueur, les soupçonnant d'avoir perdu toute motivation et leur implication première dans le projet. Le film était dérushé depuis plusieurs mois et subitement, l'élan qui nous avait tous emportés lors des tournages était complètement retombé, tout devenait poussif. J'ai alors tenté d'expliquer, apparemment fort maladroitement, que tout ce que l'on fait de bien est avant tout une affaire de motivation, plus que de volonté. En outre, lentement, le temps passé dissout l'envie et le désir de faire…
J'affirmais donc que si le projet n'avançait pas, c'était bien à cause de cela mais ils ne furent pas disposés à l'entendre de cette oreille et l'on me renvoya à mes pénates, me signifiant que la motivation était toujours aussi forte, que je n'avais pas de leçon à donner ni de méthode de travail à imposer, qu'il fallait laisser le temps au temps... bref que s'ils étaient de jeunes "branleurs", j'étais devenu de mon côté un "vieux con".

Bien !

Je m'en suis voulu terriblement pendant des semaines et me suis effectivement traité de vieux con car je venais de rompre une complicité que je croyais acquise tout en creusant entre nous ce maudit fossé générationnel dont je ne pensais pas un jour être l'artisan.

Cela ne m'a pas empêché de récidiver cinq mois plus tard, il y a donc quelques jours, pour une histoire toute bête.

Tout récemment, j'ai adressé mes vœux à une grande partie de mes contacts mail et notamment certains acteurs dont j'avais l'adresse. L'un d'eux, qui avait gentiment prêté son concours il y a un an, m’écrivit en retour, qu'il était plutôt déçu de n'avoir aucune nouvelle de la production un an plus tard. Il estimait, avec raison, qu'après s'être levé à l'aube un dimanche matin, avoir reçu, entre autre, un sceau d'eau fraîche en plein mois de février dans un gymnase non chauffé, le tout gracieusement, méritait un minimum d'égard amical. J'ai été fort peiné par ces mots et n'ai pu que me confondre en excuses minables tout en lui signifiant que moi-même étais sans nouvelle depuis plusieurs mois et qu'il semblait que les priorités de la production et de la technique étaient ailleurs ainsi que leur motivation, le projet avançant par petites touches... Malheurs sur moi, car après copie du mail et de ma réponse à mes petits camarades, ils m'ont à nouveau fait sentir en quelle estime ils me tenaient désormais. Je les avais tout simplement balancés, ce qui de leur point de vue était concevable mais pas du tout du mien, n'estimant plus faire partie de leur équipe depuis longtemps car sans aucune information sur le suivi.

Nous en avons conclu que nous étions finalement incapables de travailler ensemble. Je me suis bien gardé de répondre que je n'appelais pas cela travailler car cette réponse aurait été de toute évidence perçue comme un symptôme incurable de vieux-connite.

Ainsi je reproduisais, instinctivement, un épisode de mon adolescence. Je refusais, à l'époque, tout enseignement des adultes, persuadé, non pas de tout savoir mais que d'autres voies existaient et que les vieilles méthodes de "papa" avaient fait long feu. Je retrouvais chez eux ce refus formel d'envisager la critique comme faisant partie de l'apprentissage, d'accepter ses erreurs et les considérer comme productives et riches d'enseignements. La seule différence était que j'avais vécu cela au cours de mon adolescence alors qu'eux avaient déjà plus de vingt-cinq ans. Il semblerait que chaque nouvelle génération soit un peu en retard sur la précédente mais qu'importe... voilà encore une remarque qui confirmera le diagnostic.

Sans doute ai-je pris ce court-métrage trop au sérieux et marqué mon empressement avec trop de véhémence. Peut-être est-ce l'avancée en âge qui procure ce besoin d'agir vite et de ne laisser que peu de temps au temps, tant le sentiment qu'il nous échappe se fait ressentir exponentiellement tout au long de la vie.

J'ai bien perdu, en effet, cette nonchalance que j'observe chez eux, cette décontraction liée à l'absence de réelles responsabilités. Je regrette l'insouciance, l'irrespect et l'égoïsme qui m'habitaient il y a trente ans, quand il était simple et sans conséquence de tout remettre au lendemain...

Je regrette ma jeunesse donc rien de nouveau sous le soleil, en fait !

Je crois que je vais consulter en espérant que ça se soigne.

7 commentaires:

clodlemaire a dit…

La "vieuxconnite" nous touche tous...Consulter, je l'ai fait aussi (pendant 5 ans), tout ça pour apprendre qui j'étais et tenter de devenir ce que je suis (merci Socrate)...En bref, j'ai fini par prendre les choses avec philosophie et me réfugier et me réfugier derrière 1 proverbe et une chanson.
le proverbe : "ça leur passera avant que ça me reprenne!"
la chanson : "quand on est con, on est con" du vieux Georges (celui qui a une moustache, pas celui qui se prend pour un berger sodomite ou un pâtre grec)
Dans tous les cas, maintenant je n'investis plus sur les projets à moins que je n'en sois le boss. Au moins dans ce cas-là je sais à qui en vouloir si ça ne voit pas le jour...Et puis c'est l'expérience qui parle, j'ai tellement vécu de projets artistiques qui restaient dans les cartons qu'il me faut un 18 tonnes pour bouger mes souvenirs avorter.
Dans la vie, il y a ceux pour qui ça arrive et ceux qui pensent que c'est ce coup-ci que ça va arriver.
J'ai résolu ce nœud en étant à l'origine de mes projets...
Prends la caméra mon vieux Patbac et fait appel au gens de ton age pour obtenir des résultats...
T'as mon téléphone....

patbac a dit…

Cher clodlemaire,

C'est tout de même dramatique d'en arriver là, c'est à dire à devoir tout faire soi-même et ne pas pouvoir se reposer un peu sur la jeune classe. Sans être encore des patriarches, je pensais que nous avions des enseignements à diffuser mais, cela se confirme, je suis un grand garçon très naïf...

clodlemaire a dit…

La jeune classe ne veut pas plus de nos enseignements que nous voulions de ceux de nos anciens...Un peu comme si, vu notre canonique passé, nous étions incapables de proposer des choses nouvelles, voire des méthodes de travail...un peu comme si on était trop vieux pour comprendre la marche des choses d'aujourd'hui...mais tous les jeunes ne sont pas forcément cons et tes potes, qui avoisinent la trentaine feraient bien d'écouter un peu les anciens, qui ont construit l'extraordinaire société dans laquelle ils se débattent. Pardonnons-leur, ils ne savent pas ce qu'ils disent...Gloria et Halléloulou... et surtout n'oublions pas ce que nous avons été...

Meredith Benzazon a dit…

Bonjour chez amis du 2ème et demi âge,

(Claude dit : "saleté" en lisant l'intitulé !!... - je reprends :)

Tout comme vous le dites si bien, à l'âge que vous aviez (ceux des jeunes cons précités), vous vous foutiez bien de l'avis (des conseils, des méthodes de travail et patati et patata) des "anciens" (vieux cons précités)...

Pourquoi donc se sentir OFFUSQUES de remarquer que les vieux cons que vous êtes devenus sont les dignes prédécesseurs des jeunes cons que vous côtoyez !

Connaissant bien l'un des vieux cons mis en cause (pas toi PatBac, nous ne nous sommes pas encore rencontrés - j'espère bientôt) mais l'autre : je peux ATTESTER ici qu'il m'a fait PROMETTRE de l'empêcher de DEVENIR un vieux con (étant moi-même dans la catégorie "jeune espoir conne") peu après notre rencontre (était-il déjà trop tard ??) et que j'avoue avoir salement failli à la mission (impossible sans doute, auto-détruite depuis).

De toute manière et pour être plus claire (si, si, je peux) : un jeune con devient un vieux con. Il fallait stopper la propagation de la connerie bien en amont pour espérer y échapper à vos (grands) âges.

Moi, par exemple, je SAIS que je vais devenir une vieille conne, et je l'assume PARFAITEMENT bien ! Je pourrai ainsi me venger des vieux cons et des vieilles connes qui m'entourent (chacun son TOUR bordel !)

Ça fait du bien de le dire...

ZL a dit…

Camarades,

Je pense que le nombre de jours qui nous séparent de notre naissance n'ont rien à voir avec cette triste histoire. Les différences d'age, de sexe, de couleur de peau etc... sont des moyens de discrimination (ici au sens premier, càd sans connotation négative) trop simple : les différences sautent au yeux. Dès lors les raisons d'un simple différents s'incarnent trop facilement dans de simples prétextes.

patbac a dit…

Chers tous,

J'assume parfaitement le fait d'être devenu éventuellement un vieux con. Mon souci momentané ne se situe plus sur l'image que mon miroir me renvoie chaque matin mais bien dans cette inexorabilité à laquelle je n'ai jamais voulu souscrire et que je viens de me prendre en pleine poire. À l’instar des guerres mondiales passées, je me croyais à l'abri de ce type de conflit. J'en suis d'autant plus touché que j'aime ces "jeunes cons" mais que la paranoïa vient de s'inviter à la table des débats et, plus j'essaye de m'expliquer avec eux, moins je me fais comprendre. Je passe sous silence les quelques mails échangés en direct avec eux, nous sommes désormais vautrés dans l'ubuesque le plus outré. Chaque mot se voit chargé de tous les maux...

Bref, j'en arrive aux confins de ce que ma raison peut digérer et, comme le dit si bien Meredith (enchantée chère demoiselle) je pense également que les dés sont jetés depuis jolie lurette, qu'il est effectivement impossible d'aller vers l'amont du fleuve et qu'il est donc préférable d'assumer avec sérénité et panache l'inéluctable. Je ne peux être également qu'en accord avec B.O.B. qui voient dans cette histoire en particulier et dans les rapports humains en général, le jeux de prétextes insignifiants pour afficher des différents et affirmer ainsi son ascendance. Je suis entièrement d'accord avec le fait qu'il n'est aucunement question d'artères dans cette affaire. Comme je souscris pleinement au conseil de clodlemaire en essayant de ne pas oublier ce que je fus...

Tout cela mériterait en fait un bon petit scénario sur la paranoïa et le soi-disant conflit des générations...

Meredith Benzazon a dit…

Bob doit certainement être entré, lui aussi, dans le 2ème âge et demi ! C'est pour cela qu'il se pare de beaux et grands mots (connotations, prétextes et discriminations)...

Avoue : tu es un (demi) vieux con.

Si l'on considère que :

1 = Comme le dit souvent quelqu'un que je commence à bien connaître : "On est toujours le con d'un autre" ;

2 = Comme le chantait si bien un parfait inconnu : "quand on est con, on est con".

Nous pouvons en déduire que :

1 + 2 = nous sommes tous cons, et que le nombre d'années qui nous sépare de notre naissance ne sert qu'à calculer l'âge de notre connerie !