lundi 18 avril 2022

L’abstention pro fachos

Zemmour a œuvré magistralement pour que tout le monde, y compris l’ensemble des médias, se pose la question stupide « Marine Le Pen est-elle d’extrême droite ? »

L’exécration d’Emmanuel Macron est arrivée à un tel niveau (lui davantage que sa politique d’ailleurs) que le questionnement pervers se diffuse tranquillement et profondément dans toutes les strates de la société. À tel point que nombre d’électeurs de la gauche modérée, insoumise ou radicale, sont prêts à s’abstenir au risque de faire entrer les fachos à l’Élysée.

J’imagine leur tête, le soir du 24 avril 2022, lorsque s’affichera sur leurs écrans le portrait de la gagnante : « trop tard… oh et puis après tout on verra bien, ça ne peut pas être pire… et puis elle ne peut rien faire sans majorité… s’il le faut, on descendra dans la rue… de toute façon, cinq ans de plus avec Macron, c’était pas tenable… »

Comment en est-on arrivé là ? Comment imaginer que l’alternance envisagée puisse se passer sans douleur, sans un séisme constitutionnel inévitable ? Qui peut prétendre arrêter la louve, une fois entrée dans la bergerie ?

Il est certes plus confortable de s’abstenir, de jouer les purs et durs, et laisser les autres « se compromettre » en glissant le bulletin Macron dans l’urne. Ces autres qui, en se pinçant le nez, éviteront peut-être le pire. Ce pire qui subitement, le temps d’une campagne, semble avoir, sinon changer de camps, du moins être réparti équitablement d’un côté comme de l’autre.

Macron, aussi facho que Le Pen ? La France, une dictature comme le diffusent depuis des mois les réseaux sociaux et autres médias alternatifs ? C’est une blague, une mascarade ! C’est une vision uchronique et polémique de la réalité !

Qu’a fait de pire le gouvernement actuel par rapport aux gouvernements précédents de Hollande, Sarkozy ou Chirac, à part être confronté à la déferlante haineuse des propos de ceux qui ont trouvé à travers les canaux internet les moyens facilités d’exprimer leur colère, leur rage et donner un peu de sens à leur triste vie et amoindrir sans doute un peu leur souffrance.

Non, Macron n’est pas pire que Sarko et sans doute, au milieu des différentes crises traversées, a-t-il été plus protecteur que ne l’auraient été ses prédécesseurs. Par exemple, les aides financières apportées aux entreprises, aux paysans, aux artisans, aux indépendants ou aux artistes sont-elles subitement devenues anecdotiques ?

D’accord, Macron est sans doute arrogant, financier avant d’être social, froid, calculateur, manipulateur… on pourrait ainsi dérouler une liste convenue… en fait rien qui ne le différencie de ses prédécesseurs que nous subissons depuis… toujours, oserais-je dire.

Seulement voilà, le peuple en a subitement assez de se faire tondre et il prend le risque de lendemains crépusculaires où la contestation deviendra un délit et où le mot dictature retrouvera ses lettres de noblesse et son véritable sens. Et ne parlons pas de la brouette de valeurs moisies et pétainistes qui mettraient la France au banc des nations.

Je ne pense pas que le risque d’un changement radical de régime, soit un bon calcul, malgré les propos doucereux et rassurants de la candidate et de ses lieutenants que les coléreux gobent avec gourmandise, même parmi le peuple de gauche.

À moins que, et cela n’est pas extravagant bien que fort risqué, ne soit envisagé et recherché le blocage des institutions et des libertés, de la vie politique et sociale, conduisant à l’amorce d’une insurrection citoyenne, prémices d’une guerre civile ou d’une révolution salutaire.

C’est vrai que de la contrainte naissent les opportunités et qu’il peut être plus simple de se révolter face à un régime extrémiste oppressant pour tous que face à un pouvoir simplement ultralibéral et prédateur pour certains.

Les électeurs de gauche rêvent-ils finalement d’un prochain Grand Soir ?

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