Le
vote démocratique, tel que nous le pratiquons est un leurre total, un
piège mielleux dans lequel nous adorons nous vautrer avec cette
certitude si illusoire que notre avis importe alors qu'il n'est qu'un
hochet que l'on nous tend pour tempérer notre servitude et étouffer nos
peines. Le pouvoir que l'on accorde est confisqué, détourné et dévoyé
systématiquement, tous régimes confondus. C'est d'autant plus affligeant
sous nos démocraties qu'il faudra bien un jour les rebaptiser tant
l'escroquerie est patente. Par notre vote, nous approuvons et autorisons
notre propre spoliation et, à moins de renverser la table et de mettre
le feu à tout ce qui nous lie ou de vivre en marge absolu du système, de
renier jusqu'à notre instinct grégaire, il n'y a pas d'alternative à ce
vote fallacieux.
Bref, je m'étais juré de ne plus voter pour un suppôt du capital, un bateleur foireux, un hystéropathe du pouvoir...
Le
problème est que la créature a fait son retour et, malgré les
fragrances qui masquent son haleine fétide, elle demeure infâme et
d'autant plus redoutable qu'elle avance grimée. Son incessant sourire
carnassier et satisfait, sa blondeur artificielle masquant la noirceur
de son âme, le sirop nauséabond qui s'écoule de son orifice avide, me
fouttent les jetons. Elle n'a cessé d'enfler toutes ces années,
polissant son vocabulaire, muselant autant que possible les propos
vomitifs de certains de ses ultras et arrondissant les flammes
agressives de son logo. La bête est aujourdh'hui entrée de nouveau dans
la bergerie, déguisée en mouton républicain. Les brebis les plus
faibles, celles qui ont le moins goûté l'herbe grasse des pâturages
d'altitude, répondent de plus en plus nombreuses à ses promesses
incantatoires. Malheureuses brebis égarées et affolées prêtes à se
livrer à la prédatrice..
La
haine et la division prévalent en ces temps difficiles et certains
hommes préfèrent l'obscurité à la lumière pour sortir de l'impasse de
leur vie. Ils préfèrent croire en un passé phantasmé plutôt que d'œuvrer
à un avenir constructif et collectif. Il est tellement plus aisé
d'accuser son voisin pour palier à sa propre médiocrité, de se
barricader chez soi plutôt que d'affronter l'extérieur...
Je
ne veux pas que mon pays de libertés deviennent un pays d'interdits,
que ses cultures multiples soient filtrées et réduites à un catalogue de
bienpensance officielle. Je refuse que les frontières ouvertes sur la
paix se referment entre des miradors belliqueux, que la libre
circulation des personnes en Europe ne soient plus qu'un beau rêve
déchiré. Comment le pays des droits de l'homme et des lumières a t-il pu
engendrer une telle infamie et tant de vulgarité ? Écoutez-les hurler
leur haine et vomir leur bile... et encore, ils se retiennent ! Une fois
au pouvoir, la déferlante sera terrible, les excès incontrôlables.
Ils
prétendent défendre la Nation France mais ils revendiquent le contraire
de ce qu'elle représente dans le monde depuis des siécles. A
l'ouverture, la culture, l'accueil, la bienveillance et la lumière, ils
substituent le repli, la médiocrité, le rejet, la haine et
l'obscurantisme. Ils se prévalent de De Gaulle, comme d'ailleurs tous
les candidats cette année, de l'extrême droite à l'extrême gauche, ce
qui est parfaitement grotesque. De Gaulle, que leurs fondateurs ont
pourtant combattu sans relâche et qui représente aujourd'hui d'avantage
le souvenir d'une époque prospère que l'inspirateur d'une politique
lumineuse.
Et
puis arrive Dupont-Aignan, l'autre fâcheux, sur son grand cheval blanc,
dernier rallié et futur Premier Ministre présenti, se proclamant
l'héritier politique vertueux du vieux militaire autoritaire. De Gaulle
ralliant Pétain, Londres jumelé avec Vichy. Il n'hésite pas à renier ses
fondamentaux pour préter allégeance au parti sur lequel il a toujours
craché justifiant son ambitieuse trahison au nom du sauvetage de la
Nation. La raison d'Etat et certainement pas l'intérêt personnel...
Rires, stupeur, dégoût ! Le pouvoir rend fou.
Je
ne souhaitais pas voter pour Macron, le candidat de la finance et de la
mondialisation incontrôlée mais je ne peux pas imaginer une France des
revanchards et des aigris, xénophobe et trouillarde. Bien sûr qu'il faut
repenser l'économie pour le peuple et plus seulement pour
l'actionnaire. La pauvreté est bien évidemment insupportable et le
désespoir de millions de déclassés un non-sens de nos sociétés
développées. Il y a d'autres options politiques, pour répondre à toute
cette détresse, que le plus ostraciste et totalitaire des programmes.
Cibler un bouc émissaire comme pierre angulaire d'une politique de
redressement, outre les relents fétides historiques que ça évoque, est à
la fois un peu court, facile, puéril et totalement contre-productif.
Pestilentiel,
puant, nauséabond, vomitif, fétide, infâme, haineux, vulgaire,
revanchard, trouillard, aigri... Voilà ce qu'évoque pour moi le
programme de ce qui est devenu le premier parti français (misère !) et
les propos assourdissants de ses aficionados.
Aujourd'hui,
une personne sur trois hait les deux autres. Que ce soit la couleur de
la peau, le niveau d'instruction ou de revenu, la confession religieuse
ou l'orientation sexuelle, ce qui est différent n'a plus sa place dans
la sphère patriotique. «Le patriotisme est le dernier refuge de la
canaille» disait Samuel Johnson, poète anglais du XVIIIe siècle. Loin
d'ouvrir les esprits et de rapprocher les hommes, il justifie toutes les
exactions et offre aux hommes fâcheux un terrain de jeu néfaste.
Que sommes-nous devenus en trente ans ? Le monde nous regarde stupéfait et fébrile.
Je
suis stupéfait et fébrile à la veille du second tour du 7 mai
prochain. Stupéfait de voir mon pays glisser inexorablement vers la
médiocratie et le repli. Fébrile de devoir voter pour Macron et contre
mes convictions. Entre un capitalisme décomplexé et un populisme
étriqué, j'ai malheureusement fait mon choix.
Une bien sale période pour notre pays.
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